Ce qui manque à un clochard, ce peu d’humanité
Nicolas Diat a réussi un joli coup avec ce premier roman au titre improbable : Ce qui manque à un clochard. Par définition, il manque beaucoup de choses à un clochard, et même à peu près tout, raison pour laquelle il est clochard, justement. Mais Nicolas Diat ne s’en tient pas à un inventaire des absents, au contraire. Ce beau livre est écrit à la première personne, celle de Marcel Bascoulard, berrichon de Bourges, photographe, dessinateur, misanthrope, philosophe, et… clodo.
la traversée d’une vie
Il a traversé le vingtième siècle pendant 60 ans, tout seul, habitant dans un vieux fourgon, fils d’une mère adorée, mais emprisonnée à la suite du meurtre de son mari, alcoolique et violent. De quoi déjà forger pour l’enfant une personnalité farouche. Marcel se raconte, donc, et nous livre sa vie de pauvreté, de solitude, et de nuits froides, que la faim rend parfois plus dure à supporter. Il s’en plaint peu, mais l’amertume prend parfois le dessus : « Je n’étais pas un homme sans qualité, puisque je marchais seul, dans la nuit, à travers les champs, avec les chouettes ».
Lucide au-delà de tout, et jusque dans le regard des autres, Bascoulard vend quelques dessins à ceux qui ont la bonté de l’aider, et qui vont vite comprendre que cet « homme repoussant » a du talent, beaucoup de talent. Mais toujours l’accompagne cette misère tenace, dont il finit, parfois, par s’accabler un peu : « L’hiver n’est pas fait pour les clochards. Mais comment peut-on laisser un homme mourir de froid, sans sourciller ? Sommes-nous à ce point sauvage ? »
un peu d’humanité
Nicolas Diat a écrit un livre d’une sensibilité rare, où perce une émouvante tendresse pour l’humanité souffrante. Surtout, il a parfaitement évité le piège du larmoyant, et la triste sociologie de trottoir. Tout au contraire, ce clodo éclairé d’une étonnante lumière intérieure, illumine un hymne à la vie plein de poésie. Tout cela est écrit dans un français classique du meilleur aloi, aussi juste de ton qu’agréable à lire.
Ce qui manque à un clochard est une des plus agréables découvertes de la rentrée littéraire.
Didier Ters
Nicolas Diat, Ce qui manque à un clochard, Robert Laffont, août 2021, 220 pages, 19 eur