No society, le monde tel qu’il est ?

Un intellectuel contestataire

Depuis la publication de Fractures françaises en 2010, Christophe Guilluy s’est imposé dans les médias comme une voix qui compte, au point que son livre inspira dit-on bien des dîners stratégiques à l’UMP en 2011-12, sans trop de résultats électoraux. Avec La France périphérique (Flammarion, 2014), il défend l’idée selon laquelle la mondialisation favorise les populations des métropoles, rejetant les populations de la France dite périphérique dans la précarité, encourageant de leur part un vote FN ou bien l’abstention. Il a récidivé avec Le Crépuscule de la France d’en haut (Flammarion, 2016), où il stigmatisait le comportement de nos élites. Avec No society (Flammarion, 2018), disons d’emblée qu’il enfonce le clou.

 

Triomphe néolibéral

 

“There is no society” : la société, ça n’existe pas. C’est en octobre 1987 que Margaret Thatcher prononce ces mots. Le Premier ministre britannique ne sait pas alors à quel point, trente ans plus tard, ce constat décrira l’impasse dans laquelle sont désormais plongées l’ensemble des pays occidentaux. »

 

Diantre, notre géographe essayiste frappe fort dès le début en convoquant les mânes de l’ancienne leader conservatrice anglais, tête de turc de la gauche française de l’époque. Il décrit ensuite comment les élites ont fait sécession avec les classes populaires. Sécession géographique : les membres de l’upper class se massent dans les métropoles, remodelées selon leur goût. Sécession culturelle : les classes supérieures méprisent les classes populaires issues de l’ancienne classe moyenne, rassemblement de dupont la joie racistes et bornés. De l’autre, les classes populaires ont abandonné les métropoles et leurs banlieues — où se massent les populations immigrées —, se réfugiant dans la France périphérique décrite dans un précédent essai.

 

Le populisme, l’arbre qui cache la forêt

Et voici la vague populiste, qui a emporté Hongrie, Pologne, Italie, qui a fait trembler Merkel et provoqué le Brexit. Sans parler de l’élection de Trump. Pour Guilluy, il faut y voir la marque d’un peuple qui demande juste à être protégé :

 

La résurgence de thématiques qui visent à préserver le collectif en définissant les limites d’un commun (Etat-providence, protectionnisme, régulation des flux migratoires) est d’abord la résultante d’une demande de protection sociale et culturelle qui émane des milieux populaires. »

 

On ne peut lui donner tort. Et c’est là-dessus que son livre marque des points. On pourra ici et là être choqué par ses attaques contre le gauchisme culturel, manié comme stratégie politique par les élites, car certaines causes valaient d’être défendues. On ne pourra cependant qu’acquiescer à sa conclusion : élites et peuple doivent se retrouver car « il en va de la survie des sociétés occidentales ». Reste alors une chose, juste abordée par notre essayiste géographe dans sa conclusion : la rupture avec le modèle économique néolibéral. En tout cas, le monde des idées bouge à nouveau !

 

Sylvain Bonnet

Christophe Giulluy, No society, Flammarion, octobre 2018, 240 pages, 18 euros

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