Notre-Dame des écrivains : Raconter et rêver la cathédrale du Moyen Âge à demain

Et revoilà le Bon Dieu ! On l’avait un peu oublié depuis que le diable était venu habiter notre vie, sous la forme d’un virus détestable, et d’une actualité riche en mauvaises nouvelles. Mais il n’était pas loin, et il revient, sous la forme d’un bouquin, baptisé si l’on peut dire, Notre-Dame des écrivains, et consacré, si l’on peut dire, à Notre Dame de Paris. Ce livre est une sorte d’anthologie de textes littéraires, touchant tous, de près ou de loin, à la célèbre cathédrale, et rassemblés peu près le terrible incendie que l’on sait. C’est une excellente idée et une vraie réussite. 

Evidemment, il faut un minimum d’adhésion à la religion et à la littérature pour avaler 540 pages, qui portent, peu ou prou, sur la même chose. Mais leur diversité est telle qu’aucune ne ressemble à l’autre, tant est large le fabuleux vivier où elles ont été puisées. Il va, en effet, de Villon à Tesson, en passant par Rabelais, Zola, Balzac, Péguy, Dumas, ou l’inévitable Victor Hugo. Et tous les genres sont ici distribués, comme autant de rôles d’une bonne pièce. 

On y trouve la poésie avec Aragon, Nerval ou Prévert, la philosophie avec Bergson, ou une bizarre digression de Huysmans, égaré sur les chemins difficile de « la symbolique spagyrique » ; le journal intime, avec cette jolie confidence d’Anaïs Nin : « Je suis allée à Notre Dame hier après-midi, et j’ai assisté aux vêpres, et j’ai pleuré, et j’ai retrouvé mon âme d’autrefois : je ne sais pas où elle était » ; et puis aussi le passionnant projet de restauration de Notre Dame, signé Viollet le Duc ; et puis encore un dessin tremblotant de Marcel Proust, représentant les tours de la cathédrale d’inégale hauteur, et une flèche prête à tomber….

Au-delà de quelques morceaux de bravoure inévitables, on s’arrêtera aussi sur des textes inattendus comme ceux de Mark Twain, de Brassaï et de Mac Orlan, tous deux amoureux du « vieux Paris », de J.-J. Rousseau, de Michel Tournier ou d’Hemingway. Ajoutons pour le dessert un magnifique poème de Théophile Gautier. Mais impossible de les citer tous, puisque ce sont au total 70 écrivains, et parmi les plus grands, que les auteurs de cette compilation (Michel Crépu et Antoine Ginésy) ont sélectionnés, au terme d’un travail que l’on devine harassant, avec plusieurs illustrations et tableaux complétant ce florilège. 

Grâce à eux, Notre-Dame de Paris revit en pleine gloire, « majestueux et sublime édifice » selon Victor Hugo, qui ajoute : « Il est difficile de ne pas s’indigner devant les dégradations, les mutilations sans nombre, que simultanément le temps et les hommes ont fait subir au vénérable monument, sans respect pour Charlemagne, qui en avait posé la première pierre, pour Philippe Auguste qui en avait posé la dernière ». Que dirait-il aujourd’hui ?

Didier Ters

Notre-Dame des écrivains, préface de Michel Crépu, Gallimard, « Folio Classique », mars 2020, 540 pages, 9 eur

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