« L’Or du chemin » de Pauline de Préval, la vie artiste
Roman initiatique, roman de formation, roman bouleversé, fresque amoureuse sur fond de Renaissance, L’Or du chemin est le premier roman de Pauline de Préval. Journaliste et réalisatrice, elle est déjà auteur en 2012 d’un Jeanne d’Arc hanté par les élans du divin, et, en 2015, de carnets spirituels Une saison au Thoronet. L’Or du chemin est un texte court et dense à la fois, en quête de sens, en quête de signes dans les mers emportées de nos existences.
Le roman de Pauline de Préval début en juin 1425 à Florence. Le narrateur est Giovanni, l’auteur de cette très longue lettre, dont le destinataire nous sera inconnu, jusqu’aux dernières pages du livre. Bien sûr, je ne révèlerai pas le nom de ce destinataire. C’est l’histoire d’un jeune garçon doué pour la peinture, un « Peintre-né », comme le qualifie sa mère. C’est l’histoire d’un peintre, qui apprend à faire ses couleurs, entrant à l’atelier de son maître Starnina, y découvrant les procédés picturaux nécessaires à la réalisation d’un grand rêve, celui de changer le monde.
À l’heure du Quattrocento, nous suivons les années de formation du jeune Giovanni, dont le grand souhait serait d’apprendre à capter la lumière, afin de réaliser une fresque monumentale, lui permettant de rejoindre le divin et son ultime geste créateur.
Mais, dans ce grand bouillonnement créatif, que recherche-t-il véritablement ? N’est-ce pas finalement la grande question de ce roman ?
Entre son maître Starnina, qui le guide dans sa formation, qui l’initie, le guide sur les pas de son destin, Leonora, son amour, sa joie, son entrain, sa passion, le Christ dont les yeux de Giovanni ne savent se détourner, le personnage principal de ce roman est en chemin ; c’est un cheminement intérieur irrésistible vers soi, en dedans de soi, comme si, les événements à l’extérieur n’étaient que la caisse de résonnance de ce parcours intime. « Connais-toi toi-même et tu connaitras l’univers et les dieux », disait Socrate. Nous le voyons, marchant, à la recherche de sa propre lumière, qu’il recherche à faire jaillir dans sa peinture.
Vous avez déjà dû croiser de ces saints qui marchaient dans la rue sans porter d’auréole mais dont la lumière vous a plus impressionné que celle de tous les saints stéréotypés de la Légende dorée. C’est cette lumière que je voudrais réussir à rendre. »
Mais c’est aussi un roman sur la peinture. Sans être peintre elle-même, Pauline de Préval sait parfaitement nous guider dans ces moments de formation d’un artiste en devenir, apprenant les techniques des couleurs, les perspectives, tout ce qui, concernant la maîtrise, en fera un bon artisan, recherchant surtout l’intuition, le geste qui guidera la création d’un œuvre originale, marquante, forte.
Surtout n’oublie jamais que la peinture n’est pas d’abord une question de technique, mais de vision. »
Ce roman, très court, marque toutefois une belle densité, suivant pas à pas ce personnage énigmatique, se révoltant contre son maître, perdant sa bien-aimée dans une épidémie de peste, accomplissant un chemin long et douloureux vers la lumière, cette recherche mystérieuse du Bien contre le Mal, bien évidemment ; la recherche de Dieu, très certainement aussi, qu’il croit avoir perdu, alors même, que c’est la lumière qui le recherche, cette lumière qu’il recherche au-dehors, ignorant qu’elle n’est jamais qu’en lui-même, au plus profond de son être, cachée, enfouie, comme le serait Dieu, attendant dans les plis de la mémoire, que Giovanni se souvienne, comptant sur le long cheminement à Florence, puis loin d’elle, dans le plus profond de son être, qu’elle soit découverte, telle une maïeutique guidée par la peinture, et les couleurs, en quête de faire surgir la lumière.
J’ai vu dans ce roman de Pauline de Préval, l’amour comme le seul guide possible et réel vers la lumière sacrée. Réjouissant, jouissif, et charmant, voici un roman qui nous habite bien après sa lecture.
Marc Alpozzo
Pauline de Préval, L’Or du chemin, Albin Michel, janvier 2019, 14 eur