Bezimena, de Nina Bunjevac, ou comment rendre sublime l’inacceptable luxure ?


Dans la veine de son précédent ouvrage (Fatherland, 2014) mais avec la force que l’auteur aura puisée dans son histoire personnelle, Nina Bunjevac publie Bezimena. Histoire dramatique qu’elle a la franchise de proclamer et d’explorer : la traque sexuelle dont elle a été la cible. Bezimena en langue slave (Nina Bunjevac a été élevée en Yougoslavie) signifie « celle qui n’a pas de nom »…


C’est l’histoire de Benny, un garçon né dans une famille bourgeoise qui avait tout pour être heureux et aurait pu être la fierté de ses parents. Le seul hic, son comportement lubrique, dès son plus jeune âge à regarder d’un œil inquiétant les jeunes filles. Ses regards sont complétés par des gestes déplacés en se pelotant et malgré les punitions il deviendra l’effroi de ses parents. 

Ces mêmes jeunes filles grandissent avec lui mais tout le monde finit par s’en éloigner et la discipline familiale le contraint à cacher ses vices.

Ce n’est pas en trouvant un travail de subalterne dans un zoo que ses préoccupations de luxure vont cesser, il va impunément traquer ses proies, les observer dans la pénombre, les imaginer. Un carnet abandonné va bouleverser sa vie, ses pensées et son obsession des femmes  vont-elles le faire basculer ?

Becky se tenait là, drapée de soie, tandis que sa bonne lui faisait couler un bain »

BD pour public averti

Nina Bunjevac nous entraîne dans une partie de sa vie et aborde la traque sexuelle dont elle a été la cible. Et même si elle a réussi à s’extirper d’un sombre traquenard, ce n’a pas été le cas de son amie d’enfance. 

Elle traite au grand jour dans cet ouvrage et d’un noir intense et profond, la marque psychologique que cette expérience lui a infligée.

Un scénario qui fera référence dans la BD

Cette sélection du Festival International de la Bande dessinée d’Angoulême 2019 aurait mérité selon nous une distinction tant le sujet dramatique est contemporain servira à la fois de référence dans la BD mais aussi pour le combat des femmes maltraitées ou violées.

D’autre parts pour la présence incroyable des dessins noirs et blancs d’une finesse et d’une expression rendant presque irréel ce témoignage.

La curiosité de positionner les dessins en pleine page sur la droite et les dialogues ou sous titrages sur fond noir sur les pages de gauches apporte l’intensité recherchée.

Du grand art au bénéfice de l’histoire.

Xavier de la Verrie

Nina Bunjevac (scénario & dessin), Bezimena, Ici Même, août 2018, 224 pages, 29 eur

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