« Peuple souverain » : qu’est-ce que le populisme ?
Historien et vieux briscard de la controverse
Spécialiste de l’histoire intellectuelle et culturelle du vingtième siècle, Pascal Ory s’est fait connaitre avec deux ouvrages sur la période de l’occupation : Les Collaborateurs (Seuil, 1976) et La France allemande (Gallimard, 1977). On lui doit aussi une biographie de Jean Zay (Avec Antoine Prost, Tallandier, 2015) et une autre sur Paul Nizan : Nizan, destin d’un révolté (Ramsay, 1980). Plus récemment, il a publié chez Gallimard dans la collection « le débat » un essai sur la signification des manifestations du 11 janvier 2015, Ce que dit Charlie (Gallimard, 2016). Ory se penche ici sur un objet politique non identifié mais très actuel (si on en croit les médias), le populisme.
De la difficulté d’une définition
Ory avoue sans ambages dès le début de son ouvrage le flou de la notion de populisme et la difficulté à en tirer une définition stricte, comme l’intellectuel français cartésien aime à donner. Il lui redonne une surface historique, n’hésitant pas en faire remonter la généalogie du concept au tyran athénien Pisistrate puis au bonapartisme. Faute de mieux, le populisme est une forme de démocratie autoritaire, personnalisée, fréquemment anti-élites…
Puis Pascal Ory en arrive au dix-neuvième siècle français, d’une fécondité politique rarement égalée (pour le pire et pour le meilleur) et identifie des populismes et des acteurs populistes dans le boulangisme et Barrès, Rochefort et d’autres. Il isole aussi la tendance au radicalisme chez ces acteurs politiques qu’il rapproche du radicalisme de l’extrême-gauche : à raison à notre sens, c’est ce qui explique le basculement de Rochefort, ancien communard d’un bout de l’échiquier politique à l’autre. Quant au rapprochement avec le radicalisme des terroristes islamistes, on peut à bon droit le suspecter d’anachronisme…
Permanence d’un esprit
Après avoir glosé sur les aspects populistes du fascisme et du nazisme, un peu abusivement selon nous (le fascisme reste une idéologie très originale, on renvoie aux travaux d’Emilio Gentile), Pascal Ory aborde au final notre époque et le sens de l’élection de Trump (et de d’autres, citons Orban), ce moderne populiste qui a emporté l’élection américaine de 2016, contre les élites (Ory rapprochait dans son introduction de manière provocante le 8 novembre 2016 du 8 novembre 1917, qui vit le triomphe de Lénine). Le populisme est donc consubstantiel à la démocratie et à ses doutes ou moments de crise : tout est possible, y compris le pire et le meilleur… À lire même si Ory paraît parfois compliqué (ou confus).
Sylvain Bonnet
Pascal Ory, Peuple souverain, Gallimard, « le débat », octobre 2017, 256 pages, 21 euros