Le petit roi du monde, Philippe Amar touche au cœur

Avec Le Petit roi du monde, Philippe Amar signe un 2e roman émouvant !

Le Petit roi du monde de Philippe Amar semble être, de prime abord, un énième feel good book. L’un de ses marronniers en vogue dans les rédactions des hebdos en mal de coup de cœur de l’été ou apte à alimenter avec forces smileys la rubrique « dans ma PAL (pile à lire) » des comptes réseaux sociaux des influenceuses en mal de likes. Mais c’est sans connaître la difficulté propre à l’écriture. Même pour une littérature plus populaire, surtout axée sur l’histoire plutôt que sur l’envolée stylistique.

Car un second roman n’est jamais chose facile pour un écrivain. Et après Tous les rêves de ma vie sorti en 2013 chez Flammarion, où Philippe Amar avait déjà prouvé sa sensibilité à fleur de plume, Le petit roi du monde démontre une nouvelle fois un talent évident pour nous embarquer dans ses histoires. Vous le savez, impétrants lecteurs boojumiens, c’est aussi l’une de mes cordes sensibles. Et comme J’adore partager mes émotions livresques en mode mélo comme ici, plongeons ensemble dans ce roman émouvant !

La vie c’est pas de la tarte !

Victor, malgré un prénom de vainqueur, n’a pas une vie des plus simples. Placé chez Annie, une « tatie » depuis son plus jeune âge, il est un de ces enfants de la DASS – l’ASE, orphelin sans racines, sans surprises véritables. Non pas qu’il ne soit pas attaché à sa tatie, elle l’a élévé comme son propre fils, mais la routine de sa vie de collégien de 12 ans lui suffit. Entre ses copains, sa passion pour la musique et son instrument de prédilection le violon, il ne voit pas son monde autrement que stable. Croit-il…

Car Tatie se fait vieille, et l’administration, cette hydre laide de corps et d’esprit, le met au pied du mur. C’est Maïa, son éducatrice, qui lui annonce la mauvaise nouvelle. Tatie doit passer la main, et il doit être adopté ! Des parents de papier glacé qui le choisissent sans lui demander son avis, s’imposent donc à lui. Et ça le révolte ! Alors pour reprendre la partition de sa propre musique, il prépare un plan qu’il pense habile et sans surprises. Entre faux-semblants et coup-de-foudre en mode 3.0 !

Et rien de mieux que les sites de rencontres pour monter son subterfuge avec sa bande fidèle au poste ! Il se fera passer pour un homme, Miguel, un artiste célibataire, romantique et en quête de l’âme-sœur. Sous un pseudo poétique « petit bout de vie » et mystérieux (sans photo), mais avec une bio intrigante. Avec, surtout, un storytelling construit en mode bel esprit et humour subtil, Victor compte attirer une future maman idéale !

Et bim, ça ne rate pas ! Voilà qu’au premier message envoyé une jolie trentenaire Lily des lilas, scrupuleusement choisie par Victor et sa bande, la recette semble fonctionner ! En plus, elle est cheffe de partie au Royal Eiffel une pâtissière douée en mode concours pour être MOF (meilleur ouvrier de France) !

Elle était penchée sur son smartphone, cherchant ce qu’elle allait bien pouvoir répondre pour être digne du lyrisme de cette belle prose […] Son sourire ne put que lui renvoyer l’image d’une gamine que l’on venait de prendre la main dans le pot à confitures.

p206

Tel est pris qui croyait prendre ?

Boosté par ses copains, tous accrocs à l’enjeu de cette mission, faire rester Victor dans le quartier et lui trouver une maman parfaite, le plan se met donc en branle. À coup de messages inspirés et poétiques, car la plupart du temps puisés aux répertoires du must de la poésie et du cinéma romantiques (un bonheur de pépites !), la petite bande — David, José, Momo et Carine en première ligne — semble tirer le bon fil de la pelote. Une complicité amoureuse d’esprits qui se connectent et se confient, tisse la trame confortable d’une nasse douce et éthérée.

Depuis que je vous ai parlé, vous êtes comme une mélodie qui me poursuit

C’est vrai que c’est un peu tôt, mais je sens que vous êtes mon exception.

pp227, 228

Les mal-aimés font-ils des bienheureux ?

Car il y a urgence pour Victor, qui voit une famille d’adoption bobo, Fred et Sandrine, en « test » jusque là, être désignée légalement pour sa garde. Donc il faut précipiter la rencontre. Prendre un risque et tout miser sur la force de l’élan de Victor, de son rêve. Car un amour inconnu a surgi entre les lignes de la correspondance. L’échange doit devenir partage pour lui, il se croit innocent et s’espère convaincant (et inversement)…

Un enfant n’a jamais les parents dont il rêve. Seuls les enfants sans parents ont des parents de rêves.

Boris Cyrulnik.

p255

La confrontation créera bien sûr des étincelles. Provocant des incendies qui comme les feux de brousse débutent petit pour finir par tout emporter. La partie se transforme en chute de dominos sans fin. La maîtrise se transforme en méprise. L’amour devient amer. Mais, les surprises mauvaises comme bonnes, ont pour principes consubstantiels de leurs essences, de percer les cloisons du réalisme le plus hermétique, du rêve le mieux construit.

Le carrousel des destins n’est pas forcément un manège fou, il tourne aussi dans un sens, avec cohérence et obstination. Comme une roulette, où quelque soit le choix de la monture, on est embarqué, forcément quelque part. Les figures qui composent son bestiaire révèlent tôt ou tard un visage vrai sous un masque de cire. D’autres chemins se dessinent, au-delà des plans fallacieux. Pour que le meilleur advienne après le pire.

Car Victor, finalement, mérite son nom. On gagne toujours à croire que l’on peut être aimer…

Love me Tinder

Tu seras pour moi unique au monde. Je serais pour toi unique au monde.

Antoine de Saint Exupéry

p362

Piégant et captivant de bout en bout, on succombe sans coup férir à ce roman. Ni mélo, ni mièvre, et au contraire très réaliste sur l’incommunicabilité des amours, de tous les amours. Dans un monde passé de post-moderne à hyper connecté en perdant de vue son essence. La vie réelle sera toujours plus forte.

Un cadeau parfait pour les fêtes ! Révérence et Chapeau-bas M. Philippe Amar !

Marc-Olivier Amblard

Philippe Amar, Le Petit roi du monde, Éditions Plon, juin 2019, 470 pages, 19,90 eur

À feuiller ici

À noter que les droits du roman ont été achetés par Michèle Laroque et que le tournage d’un film est programmé pour mars 2020.

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