Philippe Le Guillou et le roman inépuisable

Philippe Le Guillou s’est lancé dans une vaste entreprise : raconter l’histoire du roman français. Le titre de son ouvrage, Le Roman inépuisable, sous titre « Roman du roman », pourrait laisser penser que la tâche est infinie, du moins que le sujet ne saurait être « épuisé », en raison de l’abondance de matière. Mais ce n’est pas le cas. L’auteur s’est courageusement attelé à ce gros travail, et on doit reconnaitre qu’un homme qui a déjà écrit quinze romans et autant de récits, a forcément un lien étroit avec son propos. Il convient d’ajouter que le résultat est sérieux ; il  n’est donc pas étonnant qu’il ait fallu 430 pages bien comptées dans l’édition Blanche de Gallimard, pour raconter cette magnifique fringale de lectures, berceau d’une immense et rare culture littéraire. 

tableau historique et littéraire du roman français

C’est donc un tableau historique et littéraire du roman français qui est servi ici, mais un tableau critique et personnel, selon les goûts de l’auteur, clairement revendiqués. De Rabelais à Houellebecq, on s’aperçoit qu’il y a beaucoup de monde, et l’on n’est pas tenu d’être toujours d’accord avec ses choix. ; mais il faut admettre que Le Guillou donne envie de lire  et c’est déjà énorme. 

En outre, passer en revue 500 ans de romanciers divers, sans oublier leur médiéval ancêtre, Chrétien de Troyes, expose à d’inévitables oublis. Eh bien, non ! Ils sont tous là, et nimbés d’une ferveur communicative, de Madame de Lafayette à Modiano, avec des chapitres particulièrement nourris sur : Malraux, Gracq, Laclos, Tournier, Giono, Proust, Déon, Grainville ou Perec, parmi d’autres.  On ajoutera un couplet bien expédié sur Céline, une joyeuse digression sur le Prix Goncourt, et de belles pages sur le grand roman du XIXe siècle. Chateaubriand, Stendhal, Hugo, Flaubert, Zola, Balzac et Jules Verne y sont servis à la mesure de leur postérité. Tous n’y sont pas, mais le recensement des présents suffit à composer une belle bibliothèque. 

En fier enfant d’Armorique, Philippe Le Guillou s’appesantit longuement sur des écrivains notoirement bretonnants, ses confrères en géographie littéraire. S’ils n’égalent pas les plus grands, du moins leur figuration nous apprend qu’ils existent. 

Tel est ce bon bouquin riche d’enseignements, et d’analyses littéraires souvent savantes, souvent pertinentes, très bien écrit par un fou de lettres, mais de belles lettres. A conseiller à tous les amoureux du roman, dont le vivier est proprement « inépuisable ». 

Didier Ters

Philippe Le Guillou, Le Roman inépuisable, Gallimard, avril 2020, 430 pages, 22,50 eur

Laisser un commentaire