Atlas des Palestiniens, une tragédie
Dans le contexte actuel de la guerre de Gaza, les éditions autrement viennent de rééditer un Atlas des Palestiniens, écrit par Pierre Blanc, enseignant chercheur à Sciences Po Bordeaux, et Jean-Paul Chagnollaud, président de l’Institut de recherches et d’études méditerranéennes.
Un peuple sans état
L’ouvrage est constitué de courts chapitres très denses, avec des cartes et des schémas conçus par Madeleine Benoit-Guyod. On pénètre très vite dans l’histoire de la Palestine, une petite province d’un empire ottoman déliquescent au XIXe siècle. Pendant longtemps, le tracé des frontières sera imprécis, la Palestine dépendant de la Syrie et les terres sont d’ailleurs possédés par des syriens (et des libanais). Ceux-ci vont vendre facilement ces terres aux organisations sionistes qui, à la fin du XIXe siècle, vont commencer à établir les premières colonies du Yichouv, le foyer national juif reconnu par Balfour. Après la première guerre mondiale, la région passe sous mandat britannique. La colonisation juive se poursuit et les heurts par la population palestinienne se multiplient. Londres décide stopper l’émigration juive, au moment où l’Europe se dirige vers la seconde guerre mondiale… Après-guerre, l’ONU vote pour deux états, ce qui ne sera jamais mis en place. Israël conquiert une partie des zones réservés aux arabes et l’armée organise des expulsions massives : c’est la Nakba.
L’échec de la paix

On ne refera pas le récit des guerres israélo-arabes, on notera que la Palestine et les palestiniens (y compris ceux habitant dans des camps de réfugiés gérés par l’ONU) deviennent avec la constitution de l’OLP des acteurs de leur histoire dans les années soixante. D’abord ennemis irréductibles d’Israël, les gens de l’OLP entament lentement dans les années quatre-vingt le processus qui mène aux accords d’Oslo, malgré (ou à cause ?) de l’Intifada de 1987. Mais le processus d’Oslo va échouer. D’abord Israël n’a jamais renoncé à la colonisation qui se poursuit durant les années 1990. L’assassinat de Rabin va enrayer un processus initié par la gauche travailliste qui, bientôt, perdra systématiquement toutes les élections. En 2000, Arafat refuse à camp David de renoncer à la souveraineté sur Jérusalem-est. Tandis que la visite de Sharon sur l’esplanade des mosquées ravive l’Intifada, les négociations se poursuivent à Taba, l’accord semble à portée de main mais Ehud Barak, dernier premier ministre travailliste, renonce.
La guerre sans fin
Depuis, il n’y a jamais plus eu de négociations. La colonisation s’est poursuivie (les cartes dans l’atlas sont éloquentes), Israël a évacué Gaza tout en l’isolant et en y intervenant ponctuellement contre le Hamas (longtemps toléré par l’état hébreu, trop heureux de gêner l’OLP devenu Autorité Palestinienne). L’attaque du 7 octobre 2023 et le pogrom orchestré par le Hamas ont poussé à une nouvelle guerre meurtrière et à la destruction de la bande de Gaza. Les Etats-Unis de Trump parlent maintenant d’évacuer les habitants de Gaza, reprenant le discours de l’extrême-droite israélienne. On est loin des projets de Rabin, Shimon Peres ou Yossi Beilin. Cet atlas est complet, très clair et donne envie de pleurer…
Sylvain Bonnet
Pierre Blanc et Jean-Paul Chagnollaud, Atlas des Palestiniens, Autrement, février 2025, 96 pages, 24 euros