La guerre russe ou le prix de l’Empire de Pierre Gonneau

Professeur à Sorbonne Université, Pierre Gonneau a déjà publié des ouvrages sur l’histoire politique russe comme une biographie d’Ivan le Terrible (Tallandier, 2014) ou Histoire de la Russie des tsars (Tallandier, 2016). Avec La guerre russe ou le prix de l’Empire, il revient au fond sur le lien, patent, entre le fait guerrier et l’identité nationale russe. On ne peut que s’y intéresser avec la guerre en cours en Ukraine…

Un complexe obsidional ?

Si on suit la rhétorique du régime de Poutine, la Russie a toujours dû se livrer à des guerres défensives, l’extérieur étant toujours menaçant : cette thématique a toujours été présente dans la culture russe. Peut-être le souvenir des invasions mongoles joue-t-il un rôle dans cet imaginaire. En tout cas, les guerres d’agression, visant à donner à l’empire russe une profondeur stratégique, sont nombreuses dans l’histoire de ce pays : songeons aux guerres russo-turques, songeons à la guerre menée en 1808 contre la Suède qui permet à Alexandre Ier de conquérir la Finlande. Songeons aussi à l’expansionnisme dans le Caucase ou en Asie centrale, voire en Mandchourie, prélude à la guerre contre le Japon en 1904.

Une puissance pauvre et menaçante

La Russie, très tôt, s’est dotée d’un appareil militaire censé être performant. Au XVIIIe siècle, c’est souvent le cas vu les victoires de la guerre de sept ans face à la Prusse ou celles de Souvorov en 1799 en Italie face aux armées françaises. La puissance militaire est essentielle à la légitimité de l’État russe et chaque défaite (en Crimée en 1855, en Mandchourie en 1905, en 1917…) entraîne des bouleversements politiques. L’échec en Afghanistan est une des causes de la chute de l’URSS. Puissance pauvre si on reprend l’expression de Sokoloff, la Russie est toujours dans une démarche de rattrapage culturel, technologique par rapport à l’Occident, perçu comme une menace potentielle. C’est aussi une puissance impériale qui n’a pas renoncé à ses rêves d’empire, la preuve par les actes depuis l’invasion de l’Ukraine en février 2022.

Certains estiment que pour devenir une nation, la Russie doit renoncer à être un empire : son histoire démontre qu’elle n’a jamais pris ce chemin. Et demain ?

Sylvain Bonnet

Pierre Gonneau, La guerre russe ou le prix de l’Empire, Tallandier, novembre 2023, 544 pages, 26 euros

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