Raser les murs, l’art de la nouvelle noire

Un spécialiste de la nouvelle

À l’origine critique musical, Marc Villard s’est un fait un nom en publiant des romans noirs comme Terre promise (La manufacture des livres, 2019) ou Barbès trilogie (Série noire, 2019). Il s’est surtout imposé comme un nouvelliste très doué, montant des recueils en duo avec son complice Jean-Bernard Pouy : le plus récent, La mère noire (Série noire, 2021) est ainsi particulièrement un livre savoureux à lire. Raser les murs est un recueil de ses propres histoires, paru chez Joëlle Losfeld éditions.

Des anti-héros

En lisant ces histoires, plusieurs choses viennent à l’esprit. Villard choisit comme personnages principaux de ses histoires des prostituées, des SDF, des alcooliques, des migrants mais pas des policiers (ceux-ci occupent des rôles secondaires) ou des criminels endurcis. On trouve des meurtres (comme dans Pigalle ou Raser les murs), des règlements de compte, on est donc bien dans le genre policier. Mais Villard s’intéresse peu à la question du crime. Ce qui le motive c’est de peindre la condition humaine. Sans complaisance.

Un joyau

Toutes les nouvelles ne se valent pas. Raser les murs est excellente, Kebab Palace aussi. Mais il y a Pigalle. Ici on trouve deux filles, Tessa et Lydie, deux strip-teaseuses. Leur patron (un mac) leur propose un plan avec deux beaux gars pour le réveillon du nouvel an. Elles mangent des fruits de mer. Tessa couche avec l’un des deux, qui est marié et c’est très bien, puis va bosser le lendemain. Mais Lydie ne vient pas. Elle va chez elle et trouve Lydie assassinée. La police s’empare de l’affaire, cherche le deuxième gars mais il apparaît vite que ce n’est pas lui. Et on trouvera le coupable, peu importe. Tessa a perdu sa copine et est hanté par sa mort qui ne passe pas :

Elle s’abîme les yeux, à minuit, en contemplant des feuilletons sentimentaux, le genre de vie nickel avec beaucoup d’amour et des gosses en bonne santé. Puis, à trois heures, elle se réveille en hurlant, le corps torturé de Lydie dans la rétine. Alors, elle prend un truc pour dormir et quand l’aube arrive, elle se décide à pleurer. 

Villard sait écrire du noir. Villard est précieux.

Sylvain Bonnet

Marc Villard, Raser les murs, Joëlle Losfeld éditions, février 2022, 192 pages, 17,50 euros

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