Producteurs et parasites, à la recherche de l’idéologie du RN
L’énigme du vote d’extrême-droite
À l’origine de ce livre de Michael Feher, philosophe et auteur du Temps des investis, essai sur la nouvelle question sociale (La Découverte, 2017), il y a l’idée que la majorité des électeurs du RN, premier parti de France en termes de voix, n’adhèrent pas réellement à l’idéologie du parti mais sont des déçus de la politique, de la mondialisation, des « fâchés pas fachos » comme aurait dit autrefois Jean-Luc Mélenchon et aujourd’hui un François Ruffin. Pour Michael Feher, disons-le tout net, c’est faux.
Une continuité idéologique
Pour Michael Feher, sur la même ligne que certaines enquêtes menées par le journal Le Monde cet été, le vote RN est un vote d’adhésion à une ligne idéologique déjà présente à l’époque de Jean-Marie Le Pen. Le RN (et avant lui le FN) divise la société entre producteurs et parasites, c’est ce qu’on appelle le « producérisme », idée dont Michael Feher retrace la généalogie tortueuse car on trouve trace de cette idéologie autant chez Proudhon, Roosevelt ou même Keynes (accrochons-nous). Autrefois le parasite idéal était le juif et aujourd’hui c’est l’immigré, le migrant, le musulman qui a pris sa place (même si Feher note à raison la permanence de l’antisémitisme chez nombre de militants et de cadres du RN).
Un concept flou et en expansion
Le problème qui émerge au fil de la lecture du livre, surtout dans sa seconde partie, c’est que beaucoup de personnes finissent par faire du producérisme, concept au fond pas si éloigné du néolibéralisme (qui a inspiré cette mondialisation des échanges dont tous ne profitent pas, comme le montre le vote pour Trump aux États-Unis. Sarkozy, Valls, Macron ont eu recours à des discours de ce type, peut-être pour récupérer une partie des voix du RN… un échec complet d’un point de vue électoral. On aurait aimé cependant une argumentation moins systématique et une place tout de même dans l’analyse aux conséquences de la mondialisation et aussi de la crise de 2008.
Essai cependant à lire pour réfléchir… avant qu’il ne soit trop tard.
Sylvain Bonnet
Michael Feher, Producteurs et parasites, La découverte « Petits cahiers libres », août 2024, 270 pages, 16 euros