Waldo, au-delà des illusions technologiques

Un grand auteur tombé dans l’oubli

Qui se souvient encore de Robert Heinlein ? On doit bien avouer que l’homme est aujourd’hui méconnu. Pourtant, classique entre les classiques, Robert Heinlein a laissé une œuvre riche, de l’histoire du futur à Révolte sur la Lune, d’Etoiles garde-à-vous ! à En Terre étrangère. Libertarien, c’est-à-dire anarchiste de droite, il est autant capable d’écrire de la SF militariste (Etoiles garde-à-vous !) qu’un roman sur un jeune homme élevé sur Mars par des martiens, sorte d’homme qui venait d’ailleurs (En terre étrangère), adoré par la jeunesse contestataire des années soixante. Les éditions Le Bélial proposent ici une traduction de Waldo, novella de 1942, très actuelle par les thèmes, on va le voir.

Quand la technologie n’est plus la solution

L’humanité a atteint un stade de développement inégalé grâce à la technologie développée par la North American Power-Air. L’énergie paraît inépuisable et permet des transports rapides, y compris dans l’espace. Il y a bien sûr quelques grincheux comme le docteur Grimes qui estime que les hommes développent de plus en plus de maladies musculaires. Mais on ne les écoute pas, aucun intérêt.

Par contre, lorsque de plus en plus de moteurs de la compagnie North American Power-Air tombent en panne de façon inexplicable, les pontes s’agitent. On souhaite alors s’adresser à Waldo, un inventeur hors pair atteint justement d’une maladie dégénérative et soigné par Grimes dans son enfance. Vivant dans l’espace à l’écart des autres humains, Waldo commence par refuser d’aider, quitte à anticiper un effondrement de l’humanité :

— Comment ça ? Peu m’importent leurs tracas ; je bénéficie d’une indépendance totale, tu me connais.

— Une indépendance totale, hein ? Qui a extrait les métaux qui forment ces parois ? Qui a élevé le bœuf dont tu as dîné ce soir ? Tu es aussi indépendant qu’une reine des abeilles, et aussi impuissant. »

Waldo est obligé de se rendre à ces arguments et commence à étudier. Très vite, il se rend compte que la résolution du problème nécessite de remettre en question certains dogmes scientifiques (car rien n’empêche les moteurs de fonctionner stricto sensu). Waldo va peu à peu découvrir qu’il doit sortir de l’orthodoxie, y compris pour ce qui concerne sa maladie.

Un texte complexe et toujours actuel

Avec Waldo, le lecteur se retrouve devant une histoire très riche. D’abord le personnage lui-même, handicapé et malade, misanthrope, va ici connaître une évolution qui va le ramener progressivement vers les autres. Ensuite, le texte résonne aussi comme un avertissement quant aux conséquences de l’utilisation de certaines technologies sur la physiologie humaine. Si on pense par exemple aux perturbateurs endocriniens, Waldo est un texte plus qu’actuel.

Enfin, Heinlein nous laisse aussi une morale très simple : parfois, face à un problème insurmontable, il faut savoir sortir complètement du cadre pour trouver une solution.

On en fait ce qu’on en veut mais force est de constater que cette novella est une pépite : Heinlein doit vite retrouver sa place au panthéon de la science-fiction.

Sylvain Bonnet

Robert A. Heinlein, Waldo, traduit de l’anglais par Pierre-Paul Durastanti, illustration de couverture d’Aurélien Police, Le Bélial, juin 2019, pages, 9,90 eur

Laisser un commentaire