Tant que nous sommes vivants

Adapter un roman en bande dessinée soulève toujours la curiosité et l’appréhension de la réussite. Tant que nous sommes vivants d’Anne-Laure Bondoux, publié chez Gallimard jeunesse, est adapté par Frédéric Bihel. Et c’est une pure merveille, envoutante. Un résultat époustouflant de la part d’un grand artiste qui nous avait déjà conquis avec L’Appel de Thulé chez Delcourt.

J’ignore quelles difficultés mes parents ont rencontrées sur le chemin. Mais plus tard, lorsque je l’ai parcouru en sens inverse, j’ai su qu’ils avaient marché longtemps avant de découvrir ce qu’ils cherchaient…

Nous sommes en automne, Tsell vient de naître. Cette fille à un destin incroyable et des parents dont la force et l’acharnement vont lui permettre une vie dont ils ont rêvé pour elle. Elle naît dans une grotte et la providence va sourire à cette famille sous le nom de Douze. Une sage-femme qui va les conduire dans sa maison ou plutôt un terrier immense où toute cette famille de gens de petite taille habitent dans des conditions incroyablement confortables. Ce refuge accessible après 117 marches sera aussi le leur. Ils seront vite adoptés par l’ensemble de la congrégation trop heureux de voir arriver ce bébé et Bo cet homme grand et fort arriver. Bo n’aura de cesse de travailler avec acharnement pour nourrir sa famille et imaginer créer des mains en métal pour sa femme Hama qui en est dépourvue. Car au fin fond des grottes une résurgence de volcan devenu forge, lui permet de former une ossature métallique articulée aussi fine que solide.

Mais il y a de la magie dans l’air. il apparait une forme à la place de l’ombre de Tsell. Sept le divin de la famille décèle « beaucoup de choses perdues dans l’histoire de Tsell  et pour l’aider, il faudrait les retrouver ». La décision est prise par Hama de quitter ces lieux pour découvrir ces mystères qui s’abattent sur leur fille. Leur vie va ainsi changer et bientôt être bouleversée par l’apparition de la guerre et de nouveaux combats à surmonter. 

Virtuose de l’ambiance graphique

Faut-il avoir lu le roman d’Anne-Laure Bondoux pour lire ce roman graphique ? Bien sûr que non. Mais la version dessinée va vous donner envie de lire la version écrite pour comprendre et éclaircir certains éléments. Car oui l’adaptation nourrit les fantasmes, inscrit le dessin dans une retranscription personnelle et porte l’envie de démêler tous les non-dits que le dessin laisse planer.

Ce roman graphique est étonnant. Nous passons par de nombreux sentiments heureux et douloureux. Cette histoire est à la fois fascinante et éprouvante car oui, en tant que parents nous sommes tiraillés par la sauvegarde de notre famille et descendance et prêts à tout pour les épargner, les protéger. 

Nous avons l’impression d’observer un dessin de story-board détaillé au crayon de papier sur lequel il a travaillé intensément les couleurs. Le résultat est singulier de sincérité, comme si nous faisions face à de l’art brut, de l’art premier. Une grande virtuosité dans les descriptions des scènes, des atmosphères. Ce n’est pas juste de la mise en couleur mais la création de vrais tableaux qu’il compose pour Tant que nous sommes vivants.

Xavier de la Verrie

Frédéric Bihel, Tant que nous sommes vivants, d’après le roman d’Anne-Laure Bondoux, Futuropolis, mai 2022, 144 pages, 24 euros

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