Voile vers Byzance, le piège de l’immortalité
Depuis la mort de Jack Vance, Robert Silverberg est certainement un des derniers monstres sacrés de la science-fiction américaine. Il a commencé à écrire dans les années cinquante des histoires très classiques (je recommande le recueil Voir l’invisible) avant de profiter de la New Wave des années soixante-dix pour publier des œuvres plus ambitieuses comme Les profondeurs de la Terre, Monades urbaines, L’oreille interne, avant de triompher avec Le château de Lord Valentin et le cycle de Majipoor. Voile vers Byzance a remporté le prix Nebula de la meilleure novella en 1986 et est aujourd’hui rééditée par Le Bélial.
A la fin des siècles
« A l’aube, il se leva et passa sur le patio en terrasse pour poser son premier regard sur Alexandrie, la seule vie qu’il n’avait pas encore vue. Cette année-là, les cinq cités étaient Xi’an, Asgard, New Chicago, Tombouctou et Alexandrie : le mélange habituel d’époques, de cultures, de réalités. Gioa et lui ayant entrepris la veille au soir le long vol qui les avaient ramenés d’Asgard, perdue dans le Nord lointain, ils étaient arrivés tard, bien après la tombée de la nuit, et s’étaient couchés sans plus tarder. »

Charles Phillips, issu du New York de 1984, se retrouve plongé au cinquantième siècle. La Terre ne compte plus que quelques millions d’habitants, immortels et oisifs, qui s’amusent à recréer les villes du passé qu’ils peuplent avec des êtres artificiels, des temporaires. Il est le compagnon de Goia, sa guide, dont il est tombé amoureux. Mais Goia s’éloigne, le laisse même avec une autre. Elle cache un terrible secret, quelque chose qui la mine. Charles rencontre d’autres hommes comme lui, issus du passé. Et il finira par apprendre ce qu’il est réellement.
Un récit vertigineux
Robert Silverberg maîtrisait ici pleinement son art. Il nous donne une histoire intense, parfois triste, sur une humanité qui a un peu perdu de vue ce qu’elle est, sans doute parce que la mort donne à la vie un goût que les immortels de Voile vers Byzance ne peuvent percevoir. Notre auteur a su aussi distiller ses effets, nous amenant vers vingt dernières pages passionnantes et prodigieuses. On ne peut que vous conseiller de lire cette novella, de découvrir aussi d’autres romans de Silverberg.
Sylvain Bonnet
Robert Silverberg, Voile vers Byzance, traduit de l’anglais par Pierre-Paul Durastanti, Le Bélial, illustration de couverture d’Aurélien Police, août 2025, 128 pages, 11,90 euros

 
			 
							 
							