David Bowie, l’homme qui venait d’ailleurs : un acteur oublié

Décédé en janvier 2016, David Bowie est connu essentiellement et à raison comme un musicien et un chanteur exceptionnel. Cependant il fut aussi acteur et Serge Féray, auteur d’un Nico, femme fatale (Le mot et le reste, 2015) remarqué, revient sur le tournage de son premier film, L’Homme qui venait d’ailleurs, qui aura des conséquences très importantes sur son parcours.

Un film différent

Il faut revenir ici sur la personnalité de Nicolas Roeg, coréalisateur du célèbre Performance avec Mick Jagger (un ami de Bowie) et aussi du méconnu Ne vous retournez pas avec Donald Sutherland. Roeg monte ses films en comptant sur l’ellipse, très loin de la narration traditionnelle, recourant aussi à des collages et au cut-up, technique mise au point par William S. Burroughs et aussi utilisée par… David Bowie. Roeg choisit d’adapter un livre de Walter Tevis, décrivant la vie de Thomas Jerome Newton, un extraterrestre venu sur Terre faire fortune pour ramener l’eau nécessaire à sa planète. Et il choisit Bowie, c’est-à-dire l’homme qui jouait à être Ziggy Stardust, pour le rôle-titre. Choix risqué mais qui se révélera payant pour un film qui n’a recours à aucun truc ou effet spécial et qui réutilise aussi des thèmes chers à David Bowie.

Icare moderne

Newton est un Icare moderne, tombé sur Terre pour sauver les siens et qui finit par brûler ses ailes dans la débauche et l’alcool. Il ne retournera jamais sur sa planète et le doute subsistera sur sa véritable nature jusqu’au bout du film malgré le moment où il se dévoile à une des femmes du film. Bowie « sous-joue » durant le film. Il ne faut jamais oublier qu’il fut l’élève du célèbre mime Lindsay Kemp et il se sert ici de ses enseignements pour jouer un extra-terrestre.

Il faut voir ce film vraiment différent dont Bowie, sortant d’une période musicalement épuisante, ne signe pas la bande-son… Mais l’ombre de son personnage plane sur le Thin white duke de Station to Station (1976) et aussi sur la fameuse trilogie berlinoise débutée avec Low. Il n’est pas impossible que Bowie ait composé le début de Subterraneans pendant le tournage.

Postérité

Doté d’un réel talent d’acteur, Bowie ne joue ensuite que dans un film majeur, Furyo d’Oshima. Dommage. En tout cas, ce film de Roeg et son personnage ont hanté l’artiste jusqu’à la fin puisqu’il a racheté les droits du livre pour monter une comédie musicale, Lazarus, sorte de suite, en 2015. L’acteur était alors très malade. Cet ouvrage très bien écrit retrace avec brio l’histoire d’un film injustement méconnu et donne une occasion de dire combien cet artiste singulier que fut David Bowie nous manque.

Sylvain Bonnet

Serge Féray, David Bowie l’homme qui venait d’ailleurs, Le mot et le reste, février 2025, 344 pages, 25 euros

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