Rebel Moon – Partie 1 : Enfant du feu, l’échec intersidéral signé Zack Snyder

Retirée dans une colonie agricole, la mystérieuse Kora coule des jours paisibles, en dépit d’un lourd passé. L’arrivée de troupes au service d’un régime tyrannique, va la contraindre à reprendre les armes pour défendre ceux qui lui sont chers.

Depuis son travail sur l’univers DC pour Warner, Zack Snyder jouit d’une énorme cote de popularité. Néanmoins, pour les cinéphiles avertis, ce soutien inconditionnel paraît difficile à comprendre, tant sa mise en scène dénuée de finesse lasse au bout d’un moment. Quoiqu’il en soit, l’approbation absolue de ses fans lui a permis d’imposer sa version longue consacrée à Justice League, le fameux Snyder’s Cut. Entretemps, il signa un contrat avec Netflix et a déjà offert à la plateforme une pseudo suite à son premier long-métrage Army of the Dead. Et aujourd’hui, il revient avec un projet de space opera assez fou sur le papier, sorte de Star Wars personnel divisé en deux chapitres, à savoir Rebel Moon.

Or si ses admirateurs ne bouderont pas leur plaisir, ses détracteurs, quant à eux, s’interrogeront sur la pertinence d’un tel film. Puiser aux sources de la culture populaire, en ajoutant un côté sombre supposé, n’a jamais accouché d’une grande œuvre, sans un soupçon de maîtrise. Une qualité dont n’est pas doté Zack Snyder et son Enfant du feu vient le démontrer de manière flagrante. En effet, le cinéaste aura beau démultiplier les ralentis tout en imitant ses aînés, George Lucas et Akira Kurosawa en tête, il ne parvient jamais à se réapproprier le mythe, la faute en incombe, malgré sa compétence technique, à un manque de talent (et aussi de vision) indéniable.

Pâle imitation

Certes, il s’avère évident que Zack Snyder éprouve une véritable affection pour Star Wars ainsi que pour Les Sept Samouraïs et qu’il souhaite sans doute hisser son Enfant du feu au rang des illustres aînés. Hélas, ce n’est point en mimant chaque plan ou chaque situation à l’identique que son long-métrage trouvera une personnalité propre et copier sans la moindre imagination, relève de l’exercice artistique paresseux. Et Enfant du feu en incarne le parfait exemple. Dès l’introduction, son réalisateur se complaît dans son entreprise d’imitation, allant jusqu’à recycler également des pans entiers de sa filmographie.

Après une exposition des enjeux banalisée par une voix-off, il entre dans le vif du sujet et le spectateur est d’ores et déjà confronté au désastre. Son héroïne s’est retirée, telle Obi-Wan Kenobi, sur un ersatz de Tatooine et ne va pas tarder à enrôler un jeune fermier dans sa quête insensée. Toute ressemblance avec le début d’Un Nouvel Espoir n’est absolument pas fortuite, au contraire, elle s’accroît avec la scène dans laquelle Kira extirpe son acolyte des griffes d’un hors-la loi, lors d’une rixe au seinde la Cantina… pardon un bar mal famé !

Durant ces instants, Zack Snyder ne tire jamais son épingle du jeu et se satisfait d’un spectacle sans saveur, inoffensif, même pas épique (ce qu’il désirait pourtant à l’origine). En outre, malgré un budget colossal, il ne retranscrit même pas sa galaxie avec une tonalité hétéroclite, chaque planète, chaque monde adopte un environnement similaire (on est très loin de la diversité de Star Wars).

Quant à sa relecture des Sept Samouraïs, elle souffre à la fois de son fameux montage (il promet une fois encore une version longue de son film, une mauvaise habitude) puisque les mercenaires et autres rebelles de fortune recrutés par Kora peinent à exister dans le décor. Pour les présenter et les caractériser, Snyder opte pour la facilité entre domptage et traque d’un monstre ou une psychanalyse de comptoir, effectuée auprès d’un général alcoolique. Rien de bien inédit donc et n’attendez aucun développement pour les compagnons d’armes de la protagoniste, juste quelques répliques d’une pauvreté affligeante alors qu’ils mériteraient mieux. La comparaison avec Kurosawa en devient plus cruelle puisque le japonais réussissait avec brio son exercice choral sans forcer et faisait briller chacun de ses personnages.

Vide formel

Zack Snyder a beau déployer son dispositif esthétique ostentatoire, il ne retranscrit jamais le charme de la saga de George Lucas et encore moins le génie de Kurosawa. Ses gros plans grossiers et ses ralentis racoleurs irritent et nuisent à sa présentation, l’illustration l’emporte sur l’évocation, la paresse narrative sur l’épopée. On saisit ainsi très vite que la jeune paysanne sur laquelle la caméra s’attarde au début, connaîtra une destinée importante dans la deuxième partie (princesse ou pas princesse ?). En outre, le metteur en scène détruit toute forme de suggestion lorsqu’Atticus explique qu’il avait décelé un côté exceptionnel chez Kora au cours de de leur première rencontre (filmée en contrechamps, Kora épiait son adversaire, cachée aux yeux de tous). De fait, Zack Snyder perd une occasion de grandir et continue de s’enliser.

En revanche, il répond à l’appel dès il doit se concentrer sur le thème de la figure christique (du moins sacrificielle), quitte à réutiliser des séquences entières de ses longs-métrages précédents (la charge de Damian Bloodaxe identique à celle de l’assaut final de 300). Pire encore, il prête davantage attention à écrire sa mythologie en empruntant ci et là à d’autres œuvres, voire à promouvoir sa propre légende qu’à exécuter avec efficacité certains schémas scénaristiques. Il devrait relire Joseph Campbell afin d’extraire la substantifique moelle d’une initiation. Et la dernière image, à la symbolique pathétique, n’incite même pas à découvrir le chapitre suivant.

Avec Enfant du feu, Zack Snyder érige un monument dédié à son ego en omettant tous les ressorts nécessaires à un film de ce genre. Naufrage absolu, ce faux Star Wars agace, mais dévoilera aux yeux de ses aficionados la dure réalité : son statut d’icône se pose comme la plus vaste supercherie de ce siècle. L’unique aspect positif émanant de ce néant.

François Verstraete

Film américain de Zack Snyder avec Sofia Boutella, Charlie Hunnnal, Ed Skrein. Durée 2h15. Disponible sur Netflix

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