« Harold Cummings prend la tangente » de Steven Boykey Sidley
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Steven Boykey Sidley est un ingénieur sud-africain, qui est aussi scénariste, musicien, chef d’entreprise et écrivain. Ses romans sont traduits en français chez Belfond. Le dernier en date, Harold Cummings prend la tangente, est savoureux.
Harold Cummings prend la tangente est construit autour d’un personnage central, Harold, tout jeune retraité qui s’ennuie dans une Amérique bourgeoise, avec la femme qu’il aime pourtant. Autour de lui, plusieurs personnages, hommes et femmes, amis, voisine, puis prostituées, maquereaux, latinos, parfaitement décrits, avec un profil psychologique achevé.
La vie d’Harold bascule progressivement après un enterrement, et l’absence momentanée de sa femme. En quelques jours, il devient un autre homme, qui ne sait plus où sont le Bien et le Mal, après une vie sans reproche. Mais l’argent achète bien des choses, et l’amitié en sauve beaucoup aussi. En clair, l’auteur nous transporte avec autant d’aisance dans les coulisses d’une pègre sordide, qu’au cœur des plus nobles sentiments.
On peut rendre grâce à Steven Boykey Sidley d’avoir puisé dans son expérience américaine matière à un bouquin remarquable, aux dialogues ciselés, et souvent drôles, à une galerie de portraits très enlevée, qui se lit d’une traite.
La dernière partie est un roman policier haletant, jusqu’au dénouement, fort réussi. Son héros pourrait être un cousin germain de celui dont Houellebecq a fait son narrateur, dans son dernier livre, Sérotonine, sans le désenchantement destructeur de ce dernier. Certes, la Californie n’est pas la France, mais là comme ici, le bonheur n’est pas donné, et il faut le construire, en zigzagant entre noirceur et ciel bleu. Mais Boykey Sidley a bien du talent, et nous prend par la main, avec humour et réalisme.
Didier Ters
Steven Boykey Sidley, Harold Cummings prend la tangente, Belfond, octobre 2018, 260 pages, 20,90 eur