Discovery : Star Trek réincarné en série TV

Il n’y a qu’un nom à retenir lorsque l’on évoque Star Trek : c’est évidemment celui de Gene Roddenberry, même si d’autres ont ensuite — joliment — porté la flambeau de sa création.

Avoir mis au monde une œuvre qui s’étend sur 50 ans d’histoire télévisuelle, cinématographique et littéraire, ça vous pose un homme,
De la série originale — qui fondera un univers en perpétuelle construction au fil de ses incarnations — aux dernières versions sur grand écran, Star Trek est devenu un pan non-négligeable de la culture populaire mondiale et l’un des deux univers d’imaginaire les plus reconnus avec Star Wars.

Hélas pour le trekkie bon teint, cela fait maintenant 12 ans qu’aucune série Star Trek n’illumine plus nos petits écrans. La fin de la série Enterprise — malgré ses nombreux défauts- nous laissait quelque peu orphelins d’aventures spatiales : inutile de préciser que Discovery était attendu au tournant, car, attention ! un trekkie déçu peut s’avérer aussi féroce qu’un gastronome forcé à un régime végétarien qui découvre inopinément un magret de canard de toute beauté.

 

Au temps pour moi

Quid de la présente incarnation diffusée en simultané sur Netflix et CBS / CBS All Access ? Avant toute chose, ne craignez de ma part aucune révélation : votre serviteur ayant la détestation du spoil chevillée à l’âme, je me garderai bien de déflorer quoi que ce soit de l’intrigue.
Précisons toutefois la situation temporelle de l’objet de notre attention, qui, si elle gagnerait à être plus claire, n’en est pas moins importante.
Après quelques recherches, nous savons au moins deux choses : les aventures qui nous sont narrées se situent entre la série Enterprise et la série originale. D’autre part — malgré les nombreux points communs stylistiques et visuels — Discovery ne fait pas partie de l’univers Star Trek cinématographique rebooté par J.J. Abrams.

Autant l’évoquer tout de suite, je trouve dommage que les deux dernières itérations de cet univers aient choisi de se pencher sur le passé plutôt que sur l’avenir, sachant que The Next Generation et Deep Space Nine laissaient entrevoir des lendemains pas si chantants que cela pour Starfleet. Nous resterons, pour le moment, encore dans l’expectative : trépignons mes bons, trépignons.

On relèvera ainsi ce délicieux paradoxe : Star Trek est un monde créé par un indécrottable optimiste rêvant d’un futur cosmique et chatoyant (car nous aimons ce qui chatoye) qui se replie dans la longue contemplation de son passé… passons.

 

Star Trek : Discovery

 

 

Dieu que c’est beau


Si l’on peut discuter la pertinence de l’époque évoquée dans cette série, l’aspect visuel est, en revanche, un indéniable point fort. La production n’a pas lésiné sur des effets spéciaux qui savent être spectaculaires sans pour autant s’abandonner à une orgie pyrotechnique malvenue. Évoquons, par exemple, les panoramas spatiaux qui mettront littéralement des étoiles dans nos petits yeux gourmands, avides de nébuleuses multicolores et de soleils embrasant l’espace.

Le design des vaisseaux — Dieu sait si ça compte ! — est réussi : les croiseurs de Starfleet allient habilement un aspect à la fois vintage et high-tech. Bel équilibre esthétique. Quant aux vaisseaux Klingons, jamais ils n’auront dégagé une telle impression de puissance tout en imposant une présence sinistre et inquiétante.

A ce propos, il faut mettre le projecteur sur la remarquable qualité de la réalisation. Nerveuse sans être hystérique en termes d’action, elle sait prendre le temps de la narration sans mollesse et chorégraphie des combats spatiaux sidérants d’efficacité : la caméra danse autour des vaisseaux, esquivant torpilles à photon et phasers meurtriers, frôlant les carcasses brûlantes des croiseurs en perdition, ne nous épargnant en rien l’agonie des membres d’équipage engloutis par le vide spatial.

Comme dirait un mien camarade dont il faut saluer ici la capacité à se montrer à la fois synthétique et redoutablement économe de ses mots : « ça poutre ».

 

Star Trek Discovery

 

Comediante ! Tragediante !

Disons-le tout de go, généralement, le point fort des séries estampillées Star Trek n’est pas le jeu des comédiens. Des Captain Kirk et Janeway souvent surjoués, en passant par la direction d’acteur parfois au niveau d’un épisode des Feux de l’Amour dans Enterprise, voire les poses rigides et quelque peu ridicules d’un Riker dans TNG, on était en droit d’être inquiets même s’il existe bien entendu des exceptions : Patrick Stewart est remarquable d’élégance en la personne de Jean-Luc Picard, par exemple.

On me rétorquera à fort juste tire que cette relative incapacité à incarner joliment son personnage fait partie du charme de ces séries. Certes. Mais enfin, la nostalgie n’excuse pas tout. Heureusement, avec Discovery, le casting s’en sort très bien. Les personnages sont bien campés sans exagérations ni emphase superflue.

Mention spéciale à Sonequa Martin Green dont la performance est tout bonnement parfaite, loin du personnage sans saveur ni relief, à l’écriture sans génie, qu’elle incarnait dans The Walking Dead. Ici, elle distille ses émotions avec parcimonie et bon escient (de bons amis corses et arméniens), joue le tempérament rebelle de Michael Burnham avec la retenue de rigueur en évitant de participer au concours de la plus belle hurleuse / pleureuse chère aux productions hollywoodiennes. On lui en sera reconnaissant.

 

Star Trek : Discovery
Sonequa Martin Green

Esprit es-tu là ?

L’esprit Star Trek. Ah. Voilà la pierre d’achoppement de toute cette belle ouvrage. Mais qu’est-ce donc s’interrogera le néophyte ? Revenons en arrière et rappelons quelques faits.

Star Trek est la première série télévisée, qui, dans les années soixante, a mis au premier plan des acteurs et actrices afro-américains, asiatiques et russes. En pleine tourmente pour les droits civiques et au milieu d’une guerre froide assez virile avec l’URSS ça nous dit quelque chose en termes de courage créatif et d’humanisme.
Mais, au-delà de ce bel œcuménisme ethnique, Gene Roddenberry rêvait d’un futur d’un optimisme fou. Toute entière dédiée à l’exploration spatiale, l’humanité future, débarrassée de l’argent et de ses velléités belliqueuses, devait parcourir la galaxie pour découvrir « des mondes étranges et aller là où nul homme n’est allé auparavant ». Qui des rêveurs que nous sommes ne partage pas -même un peu- cet idéal ? Probablement personne.

Alors, cet esprit est-il conservé, protégé, prolongé dans Discovery ? Oui et non.

Oui, car on nous le rappelle dès les premières minutes du premier épisode : les officiers de Starfleet sont des explorateurs, des chercheurs, des aventuriers en quête de connaissances et d’amitié avec des espèces étrangères.

Non, car Starfleet est aussi une force militaire. Même si, par ailleurs, le conflit est toujours le dernier recours — et c’est bien là problème qui se pose à Michael Burnham — il n’en reste pas moins qu’un croiseur peut faire parler les torpilles le moment venu.

Ajoutons à cela que les scénaristes ont eu l’excellente idée d’ajouter une bonne dose de noirceur à leurs histoires et leurs personnages, apportant une certaine maturité à un univers, par bien des aspects, assez naïf.  Tant pis pour le trekkie inflexible, tant mieux pour la crédibilité. Par ses visuels particulièrement réussis, le rythme savamment dosé de ses péripéties, la profondeur des personnages principaux et l’ajout d’une forme de dureté dans un univers parfois candide, Discovery est une belle réussite.

 

 

Eric Delzard

 

Star Trek : Discovery est diffusée sur Netflix

2 réflexions sur “Discovery : Star Trek réincarné en série TV

    • 10 octobre 2017 à 11 h 05 min
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      C’est tout à fait vrai, mais je trouve que Discovery va plus loin. Ce qui n’enlève rien à DS9 qui reste probablement l’itération Star Trek que je préfère.

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