Attendre un fantôme de Stéphanie Kalfon

Kate est une jeune fille amoureuse, que son fiancé a momentanément quittée, afin de poursuivre des études supérieures en Israël. Il s’appelle Jeff. De retour de vacances, Kate apprend de sa mère — personne fort maladroite — que Jeff a été tué dans un attentat. Scène terrible par quoi commence le livre. Et ce livre, sourdement intitulé Attendre un fantôme, part de cette absence cruellement annoncée pour restituer par l’écriture le drame du « jamais plus ». 

Des phrases courtes, des dialogues tranchants, racontent ce que fut, et ce qu’est encore, la vie de Kate avec une mère idiote, elle-même encombrée d’une mère stupide. Parallèlement, ils évoquent avec subtilité la jeunesse de Jeff, écrasée par l’autorité d’un père sans tendresse. Bref, l’âpre tableau de familles sans amour, sans douceur, sans sourire. Et c’est dans ces familles que Kate et Jeff ont grandi. 

Ce livre très dur est celui d’une annonciation, non de la vie, mais de la mort. La fin est superbe, notamment les retrouvailles de Jeff avec la mère de Kate, conclues par une belle réflexion sur le temps, celui qui finit par tuer l’absence. La mort de la mort, peut-être ? En tout cas, Stéphanie Kalfon a bien du talent. 

On aura soin de ne pas s’arrêter à la couverture du livre, décorée d’une pseudo-nature morte à la goutte de sang, pour entrer hardiment dans ce beau texte. Et pour déguster de belles pages sur la mémoire, le chagrin inexprimable, la grandeur de l’amour, les pieux mensonges par omission et les ravages de la bassesse dans le coeur des enfants. 

C’est le livre d’une soirée, facile à lire, mais moins facile à oublier. Car l’auteur excelle à décrire le malaise, et le mal-être, de ceux qui ne se comprennent pas, qui ne s’entendent  même pas parler, de ces enfants qui appellent l’amour comme un noyé appelle au secours. Poignant par moments, comme peut l’être la révélation d’un mal que l’échographie du radiologue met au jour. Mais Attendre un fantôme dit aussi que les pires tristesses ont une fin. 

Didier Ters

Stéphanie Kalfon, Attendre un fantôme, Editions Joëlle Losfeld, août 2019, 120 pages, 15 eur