Viper’s dream, Harlem nocturne selon Jake Lamar

Un auteur célèbre chez nous et peu connu chez eux

Jake Lamar est un écrivain noir américain qui fait les délices des amateurs de noir. On lui doit Le Caméléon noir (Rivages, 2003), dont l’histoire est basée sur un programme d’infiltration des mouvements noirs radicaux par le FBI, le « Cointelpro », et Nous avions un rêve (Rivages, 2005) : ici, Lamar racontait sous forme d’anticipation comment le mouvement issu de la lutte pour les droits civiques tourne au cauchemar. Avec Viper’s dream, il nous livre un nouveau roman où il donne sa vision d’un New York fantasmé, dans le cadre d’une nouvelle collection, « New York Made in France ».  

Le jazz et les brumes de la drogue

Clyde Morton n’avait aucun souvenir de son père. Chester Morton avait déjà été recruté par l’armée et envoyé en France par bateau quand Clyde vint au monde en 1917. Il ne vit son enfant qu’en rentrant de cette guerre qui prétendait sauver la démocratie. Chester, sa femme et leurs deux fils vivaient à Spooner, en Géorgie. Chester était forgeron. Les gens disaient que personne ne savait ferrer un cheval  comme Chester Morton. Avant que l’armée le recrute, ses clients étaient tous noirs. Mais une fois qu’il fut rentré d’Europe le bruit se répandit que, bon sang, dans tout le comté, noir ou blanc, y avait pas meilleur forgeron que Chester. À l’été 1919, des clients blancs commençaient à affluer. Ce fut alors que les ennuis commencèrent pour Chester Morton. 

Pour avoir voulu des clients blancs, violant ainsi un interdit racial de la ségrégation, Chester Morton fut assassiné. Son fils Clyde grandit dans la pauvreté mais a un rêve : devenir musicien. Il apprend la trompette sous l’égide de son oncle Wilton. Il quitte donc le Sud, abandonne sa fiancée Bertha et va à Harlem, New York. Là, il passe une audition chez un musicien, Pork Chop. Un désastre, Clyde n’a pas du tout l’étoffe d’un musicien. Par contre il est engagé par Mr O, le grand patron du trafic de Marijuana. Clyde a de l’allure, du muscle. Il devient le grand pourvoyeur de la Viper, le surnom de la Marijuana et qui devient aussi le sien auprès des jazzmen dont il devient le fournisseur.

Harlem est devenu son nouveau foyer car Viper Morton a été rejeté par sa famille, outrée par le suicide de sa fiancée Bertha, enceinte. Il rencontre Yolanda, une jeune chanteuse qui est aussi une des nombreuses maîtresses de Mr O : il a le malheur de tomber amoureux d’elle. Lorsque Yolanda tue Mr O, il décide de la couvrir. Après avoir fait la guerre, Viper revient à Harlem et reprend ses activités. Mais il y a deux nouveautés : le bebop de Charlie Parker et l’héroïne. Viper va devoir s’adapter, quitte à devoir tuer…  

Une réussite enthousiasmante

Difficile de dire si ce roman est réaliste. Il réussit en tout cas à recréer une ambiance digne des films noirs d’antan, plein de jazz justement et de ses histoires de drogue. On pense aux films d’Abraham Polonsky, de Jules Dassin ou du Joseph Losey des débuts. Un roman en noir et blanc avec son lot de violence et de femmes fatales. Le personnage de Viper, finalement un maudit, fascine le lecteur et le critique pourtant souvent lassé de certains clichés du polar. Pas de nostalgie ici, juste une histoire envoûtante et vénéneuse.

Viper’s dream de Jake Lamar est donc recommandé.  

Sylvain Bonnet

Jake Lamar, Viper’s dream, traduit de l’anglais par Catherine Richard-Mas, Rivages, série « New York made in France », septembre 2021, 240 pages, 19 eur

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