Masses critiques, roman très noir d’une Bretagne très noire
Avec un nom pareil, Ronan Gouézec aurait bien du mal à se faire passer pour un Alsacien de vieille souche. En bon Breton, c’est donc de Bretagne qu’il nous parle, dans Masses critiques, roman très noir qui se passe là-bas, à la fin des terres du Finistère, quelque part entre Portsall et les abers, pays de grosses vagues, et de grand vent, où le Torrey Canon amena naguère des embruns de souffrance.
L’histoire est celle de deux frères, les Banneck, pêcheurs sans scrupule et braconniers de la mer. Une guerre sourde et cruelle oppose à deux amis, Marc et René, tous voisins de la même côte. Mais quelle côte : rocheuse et venteuse, mais aussi scabreuse et douloureuse, où tout semble se liguer contre ces hommes rudes.
D’un côté la rancune, la vengeance, l’alcool, l’appât du gain. De l’autre, l’amitié, la solidarité, la fraternité des gens de mer. On répugne à en dire plus sur les raisons de la colère, et à raconter au lecteur une histoire qu’assombrit un dénouement improbable.
“Il faut croire qu’on a tous des zones d’ombre, n’est-ce-pas” [avoue l’un des protagonistes, et d’ajouter] “A quoi bon raconter tout cela, puisque l’histoire s’était terminée toute seule, en quelque sorte” ».
Seulement voilà, l’histoire n’était pas terminée, et ça va faire du vilain….
Noire Bretagne
Ronan Gouézec évidemment ne montre pas la Bretagne sous son meilleur jour ! Et ceux qui la connaissent savent qu’elle vaut mieux que cela. Mais on lui pardonne car il dépeint à merveille la violence contenue, puis débridée, et la folie des hommes que la vie rend criminels. Sur ce point, la Bretagne n’a pas le monopole du fait divers, et le bouquin par là touche à l’universel.
Faute d’en dire plus sur un récit bien sombre, on se bornera à relever l’intérêt et l’originalité d’un auteur, venu tout récemment au roman. Et cela, c’est la bonne nouvelle du livre.
Didier Ters
Ronan Gouézec, Masses critiques, éditions du Rouergue, « Rouergue noir », septembre 2019, 190 pages, 18,50 eur
