Strangers Things, saison 2 : plus grand, plus beau, plus fort !
Tout auteur, me semble t-il modestement, devrait avoir au moins trois questions présentes à l’esprit quand il doit faire suite à brillante une réussite : comment continuer à raconter sans trahir le matériau originel ? Comment prolonger une bonne idée de départ sans la triturer tant qu’elle en devienne méconnaissable ? Comment, enfin, savoir ne pas exagérer certains aspects par souci de fan service et/ou de thésauriser sur une réussite commerciale ?
De la suite ratée…
Des questions, que, à titre de contre-exemple, les auteurs des Gardiens de la Galaxie 2 ne se sont manifestement pas posées avant de commettre cette suite à un film qui donnait à voir une histoire à la fois trépidante, drôle, dynamique et jouissive, pour en faire un barnum obèse croulant sous le poids de la lourdeur de son… ahem… humour et propos grandiloquent qui ne fait guère honneur aux cartoons dont il prétend s’inspirer. N’est point Tex Avery ou Chuck Jones qui veut. Bref. Revenons à ce qui nous occupe séant, à savoir la saison 2 de Stranger Things.
Alors ? Stranger Things, saison 2, c’est bien ?
La première itération nous avait emballés par sa fraîcheur, la qualité de son casting, l’intelligence avec laquelle elle faisait référence au cinéma et, plus largement, à la pop culture des années 80, et enfin par le soin apporté à la réalisation et à l’écriture malgré une légère tendance au désordre probablement due à l’aspect parfois fourre-tout de la série.
Aussi, posons la question qui tue et répondons-y immédiatement (je m’en voudrais de provoquer chez nos lecteurs quelque irrégularité cardiaque malvenue) : Stranger Things 2 est-elle à la hauteur de la précédente saison ? Oui. Voilà. Comment ? « C’est un peu court jeune homme ! » pourrait rétorquer un splendide et célébrissime épéiste. Dont acte. Développons un brin.
Ce que cachent les ombres
Là où la première saison jouait sur l’inquiétude induite par la confrontation avec l’inconnu, puis la terreur inspirée par le monstre pourchassant les jeunes héros, la deuxième étend le champ de son récit en s’appuyant intelligemment sur les principes posés auparavant : quand d’autres auraient implacablement chargé la proverbiale mule à grands renforts d’effets spéciaux, de spectaculaire gratuit et d’horreur graphique appuyée, Stranger Things 2 veut « simplement » élargir la perspective de son histoire afin de lui donner plus de profondeur.
Nous découvrons ainsi plus avant le sombre univers « à l’envers » qu’est l’Upside-Down, qui va rapidement rendre la menace précédente bien insignifiante au regard de ce qui se cache dans l’ombre de cette ténébreuse réplique inversée de notre monde…
Une série toujours référentielle… et lovecraftienne !
Toujours aussi référentielle, la série continue de piocher dans l’univers Donjons et Dragons, celui des Goonies (à noter la présence de Sean Astin à la distribution) et de Stand By Me, mais y ajoute avec bonheur des clins d’œil à Star Wars, Breakfast Club ou L’Exorciste. Mais la grande réussite de cette saison réside surtout dans l’ampleur véritablement lovecraftienne qu’elle donne à son histoire en extrapolant de manière très réussie sur les indices posés ça et là dans sa précédente incarnation. En nous donnant à voir une menace littéralement plus grande que nature, les créateurs de la série montrent la véritable ambition de leur travail : créer une nouvelle mythologie sérielle en imprimant dans notre imaginaire des héros et des menaces emblématiques ; du beau travail d’écriture s’il en est.
Un beau casting
Enfin, il faut encore saluer la qualité de l’interprétation des jeunes adolescents vedettes de Stranger Things 2, et particulièrement deux d’entre eux. Tout d’abord, la formidable Sadie Sink qui incarne avec sensibilité et beaucoup de nuance la jeune Max, adolescente déracinée, rebelle et irascible, nouvelle venue dans l’univers de la série, qui tente d’intégrer la bande de Mike et consorts. Mais surtout, il faut noter l’époustouflant travail d’acteur que nous donne à voir Gaten Matarazzo dans le rôle de Dustin Henderson, parfaite incarnation du jeune geek un peu largué, impeccable dans toute la finesse et l’enthousiasme qu’il apporte à son interprétation. Sans en dire plus, il faut la voir scène du bal dans le dernier épisode pour prendre la pleine mesure du talent de ce jeune homme.
Stranger Things 2 est donc une impeccable réussite, passionnante à chaque épisode, truffée de rebondissements et d’hommages intelligents, servie par un casting bluffant de justesse et une écriture qui a la double qualité de respecter à la fois son histoire et le spectateur. Vivement la suite.
Éric Delzard
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Cette série vraiment réussie pour l’ambiance, le scénario, la réalisation, et qui rend un bel hommage à King, lui prend aussi un de ses défauts majeurs : la fin (King ne sait pas finir une histoire quand il y a un monstre… « Under the Dome » ou « Ça » en témoigne, on tombe vite dans le grand guignol en plastique…)
Oui, enfin, ça n’est pas fini et King, à mon sens, n’est qu’un parmi beaucoup d’autres à qui l’on rend hommage, sans oublier que les auteurs aiment aussi faire référence à l’épouvante au sens large. Oui, on peut trouver ça grand guignolesque mais c’est le genre qui veut ça. Pour ma part, je trouve cet aspect amusant.