Brian de Palma – entretiens

C’est un travail colossal. Et pour cause, il s’étend sur plus de vingt ans. Des heures et des heures d’entretien pour aborder avec précision chacun des films de Brian de Palma. Les auteurs ont vu, revu et re-revu chacun de ses films pour parvenir à des questions précises et rigoureuses.

Pour les amnésiques qui auraient oublié qui est De Palma, je rappelle qu’il a commis l’un des meilleurs polars du cinéma américain (L’Impasse), qu’il est le premier à avoir adapté au cinéma un roman de Stephen King (Carrie), le premier aussi à avoir engagé pour un film un certain Robert De Niro, qu’il fait partie du groupe des cinéastes qui ont marqué leur époque et changé le visage du septième art (Lucas, Spielberg, Coppola, Scorsese) et qu’il a commis des succès tels que Les Incorruptibles et Mission : Impossible, sans oublier le mythique Scarface. À cela j’ajouterai qu’il a réalisé l’un des meilleurs films sur la guerre du Vietnam (Outrages) et une œuvre audacieuse et moderne sur une autre guerre (Redacted). Bien entendu, il a aussi commis quelles erreurs, notamment dans ses dernières œuvres…

Bref, De Palma n’est pas de la petite bière. Et quand il parle de cinéma, il sait de quoi il s’agit. Il est précis dans ses réponses et jamais avare de détails. On peut relever une légère tendance à se plaindre du comportement des critiques à son égard. C’est d’ailleurs une chose que je n’ai jamais comprise : pourquoi tous les gens de cinéma se soucient-ils des critiques, en s’empressant de préciser que ces plumitifs sont des incultes ne connaissant pas leur métier ? Laissez tomber, les gars ! Les critiques ne servent à rien…

Donc, tous les films du brillant Brian sont passés au crible. Et quand on sait qu’il est entré dans la carrière en 1964, on devine qu’il a non seulement traversé des périodes très diverses mais, surtout, observé de près les évolutions technologiques. De plus De Palma est un fervent cinéphile et l’écouter (ou plus exactement le lire) c’est se promener dans un art sans cesse en mutation.

Brian de Palma – entretiens n’évite pas certaines dérives. Les auteurs préfèrent analyser, parler de la genèse d’une scène ou de sa signification, plutôt que de se perdre dans l’anecdotique et le superflu. Ainsi y trouve-t-on assez peu de questions sur les comédiens. De Palma parle de De Niro mais ne fait qu’évoquer Sean Connery, Bruce Willis, Kirk Douglas, Michael Caine, John Travolta et consorts. Il botte en touche au sujet d’une querelle avec Gary Sinise et expédie Cliff Robertson en quelques mots (alors qu’il est de notoriété publique qu’il le détestait).

 

Brian de Palma - entretiens

 

Mais Brian sait ne pas se laisser piéger par les questions trop intellectuelles ni par les raccourcis cinéphiliques qui tentent de rapprocher ses œuvres de classiques antérieurs. Ainsi s’emporte-t-il :

 

Ce qui m’a toujours irrité, quand les gens comparent mes films à ceux d’Hitchcock, c’est qu’il disent souvent n’importe quoi. […] Cela relève d’un besoin systématique qu’ont les critiques de tout rapprocher. »

 

Au final, il s’agit bel et bien d’un livre sur un cinéaste et, donc, sur le cinéma. Ils ne sont pas si nombreux à traiter avec finesse du sujet. Ici on se retrouve au cœur du métier en compagnie d’un monsieur qui n’agit jamais sans raison. De Palma méritait un tel hommage. Il ne reste plus qu’à espérer que cet ouvrage sera suivi par de nombreux autres. Donnez-nous des tonnes d’entretiens solides et oubliez les vaticinations ésotériques de coupeurs d’images en quatre. Le cinéma est aussi un art. Et l’art n’a nul besoin d’être décortiqué pour être apprécié. Des livres comme celui-ci fournissent des clefs pour mieux comprendre les films. Clefs forgées par le réalisateur lui-même. Que demander de plus ?

 

Ce livre est en réalité un coffret-livre-dvd en édition limitée. Il est accompagné par six DVD : Phantom of the Paradise, Furie, Pulsions, Blow Out, Body Double et Scarface. Fan de Brian, précipitez-vous !

 

Philippe Durant

 

Coffret livre-dvd Brian de Palma, entretiens avec Samuel Blumenfeld et Laurent Vachaud, Carlotta, 312 pages, novembre 2017, 69,99 euros

 

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