« Superflu et indispensable », à quoi servent les Grecs et les Romains ?
Un défenseur des langues anciennes
Universitaire italien, Maurizio Bettini a déjà publié un Eloge du polythéisme (Belles Lettres, 2016) qui a reçu le prix Bristol des Lumières, et Contre les racines (Flammarion, 2017) où il prenait position contre le concept même de racines, s’inscrivant dans un débat italien qui a vu la montée de la ligue du nord et l’émergence de Matteo Salvini. Flammarion publie ici Superflu et indispensable (sous-titré « à quoi servent les Grecs et les Romains ? »).
Une mémoire culturelle vitale
On l’a vu, Bettini rejette le concept de racines. Par contre, il défend fermement l’enseignement du Latin et du Grec, malmenés en Italie par une réforme des lycées menées par le gouvernement Berlusconi qui a abaissé la place des lettres classiques dans les filières. On reconnaît ici les termes d’un débat qui a eu lieu en France et où Jacqueline de Romilly s’était illustrée. Poser la question de l’utilité pratique des langues anciennes n’a pas de sens, on ne quantifie par des langues et des cultures. Avec raison, l’auteur dénonce l’« économisme » d’une telle vision. On souscrit, cher lecteur, sans réserve, à la défense des langues anciennes dont dérivent l’italien, le français et l’espagnol. Car la langue cache un univers culturel et proche, à la fois proche et distant du nôtre. Là-dessus, Bettini nous dit que l’étude des langues anciennes est aussi une introduction à l’altérité.
L’autre, quel autre ?
Pour Maurizio Bettini, en étudiant le latin et le grec, nous nous familiarisons avec l’idée de l’autre. Car Grecs et Romains sont proches et différents. Leur conception de la famille, la place des oncles avec les neveux, diffère de nos standards actuels. Soit. On reste par contre circonspect par rapport à l’« autre » actuel, le migrant. Que des enfants issus de l’immigration, entendons-nous bien, puissent étudier grec et latin est normal et sert bien sûr à leur enrichissement culturel. Voire à leur assimilation. Mais il faudra aussi des politiques plus actives, sans compter le problème récurrent du terrorisme islamiste. Nous nous égarons ? Pas tant que cela.
A lire.
Sylvain Bonnet
Maurizio Bettini, Superflu et indispensable, à quoi servent les Grecs et les Romains ?, traduit de l’italien par Pierre Vesperini, Flammarion, août 2018, 210 pages, 16,50 euros