Expiration, recueil de nouvelles par un maître du genre, Ted Chiang

Un talent majeur  

Admiré de Barack Obama (pouffons), Ted Chiang s’est fait connaître d’un large public par son recueil La Tour de Babylone dont est extrait le formidable récit L’Histoire de ta vie, Prix Nebula en 1999 et portée à l’écran par Denis Villeneuve en 2016 sous le titre Premier contact, meilleur film de SF de la décennie. Il reçoit la même distinction (décerné par la critique de SF, rappelons-le) pour La Tour de Babylone en 1990, L’Enfer, quand Dieu n’est pas présent en 2002 et Le Marchand et la Porte de l’alchimiste en 2007 (cette dernière est incluse dans le présent recueil). On peut donc dire qu’on attend beaucoup d’Expiration.  

L’excellence de la forme courte  

Il est dit depuis longtemps que l’air (que d’autres appellent argon) est la source de vie. Ce n’est en réalité pas le cas, et je grave ces mots afin de décrire comment je suis venu à comprendre la véritable source de vie et, par conséquent, de quelle manière celle-ci finira par s’arrêter un jour.

On commence avec Le Marchand et la porte de l’alchimiste qui, à travers le folklore arabe est une subtile variation sur le voyage temporel. Un Nebula mérité pour un récit de qualité. Le niveau monte avec Expiration, où un être mécanique décrit comment son espèce va disparaître à cause du manque d’air. Très bonne construction où le narrateur s’adresse à la fin au lecteur. Le Grand silence est du même niveau : on y découvre un perroquet qui s’adresse à la race humaine qui cherche d’autres formes de vie intelligentes dans l’univers sans s’apercevoir que sur Terre, il y en a… triste et beau comme du Sturgeon, un compliment. Citons aussi Omphalos qui s’aventure sur le terrain de l’uchronie avec un certain bonheur.  

Des récits plus longs moins réussis  

On trouve également des récits plus longs, des novellas, dans ce recueil. Le premier, Le Cycle de vie des objets logiciels, raconte comment des avatars virtuels créés sans grand succès par une société qui fait faillite, parviennent à susciter l’attachement d’un grand nombre d’humains. Mais, pour les garder efficients (vivants ?) il faudra passer des compromis, en faire des copies pour des sites pornos (!) et ils y donnent leur consentement. L’Angoisse et le vertige de la liberté aborde le thème des univers parallèles. On y voit des êtres humains y développer des relations avec leurs homologues via des prismes. Cela influe sur leurs vies mais peuvent-ils changer leurs destins ? Ces deux récits sont ambitieux mais moins aboutis que les histoires plus courtes. Une limite de notre auteur ? Cela ne change rien à la réussite de nombre de nouvelles.      

Sylvain Bonnet  

Ted Chiang, Expiration, traduit de l’anglais par Théophile Sersiron, couverture de Na Kim, Denoël, « Lunes d’encre », septembre 2020, 464 pages, 22 eur

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