The End of the F***ing World

« Je m’appelle James. J’ai 17 ans. Et je suis presque sûr d’être un psychopathe. »

 

Quand une adolescente qui se cherche par la provocation embarque dans son road-trip personnel un adolescent perturbé et introverti qui pense être un psychopathe… jusqu’où ces deux enfants perdus vont-ils s’aventurer ?

 

(La fin de ce putain de monde)

Elle, c’est Alyssa, 17 ans, qui part de la maison quand son beau-père commence à être trop entreprenant. Lui, c’est James, qui la suit, comme aimanté, alors qu’il ne rêve que de l’égorger : il frappe son père, lui pique sa voiture, et les voilà partis. Direction ? « anywhere out of the world » disait Baudelaire. Pour ce couple improbable, ce serait plutôt vers le grand nulle part, où ils seraient enfin seuls débarrassés du monde. Comme si la recherche de soi ne pouvait aboutir que dans la confrontation avec un monde qu’ils ne comprennent pas, qu’ils n’aiment pas, et qui ne les aime pas non plus… Elle va chercher sa sexualité, lui aussi. Elle va chercher ses limites, lui aussi. Tous deux vont chercher surtout à comprendre qui ils sont vraiment.

Cette crise d’adolescents surmultipliée les conduits à travers la campagne anglaise à accumuler les expériences limites et les infractions. Jamais pour nuire, mais simplement pour continuer d’avancer. Ces deux enfants qui pourraient bien s’aimer finalement savent ce qu’ils fuient mais pas vers quoi. Le spectateur non plus, qui est immergé dans leur petite virée, et qui s’attache de manière plus que raisonnable à ces deux âmes en peine.

 

 

Alex Lawther dans le rôle de James © Netflix

 

Un couple d’acteurs fragiles

Mention spéciale pour Alex Lawther, qui a été récompensé du «  Young British Performer of the Year » pour son rôle du jeune Alan Turing dans Imitation Game (2014). Sa capacité à sembler absent à lui-même, sa petite moue et sa fragilité apparente. C’est à juste titre que sa performance est saluée par la critique. Petit à petit, au fil de l’aventure, il s’ouvre littéralement, prend une dimension plus humaine et laisse transparaître une véritable joie de vivre malgré les traces de sa vie d’avant, comme si les deux visages se superposaient encore. Il est loin, à la fin de la saison 1, le temps où il plongeait la main dans l’huile bouillante d’une friteuse ou tuait de animaux pour tester sa capacité émotionnelle, mais en vain.

Le rôle d’Alyssa est moins une performance, c’est la petite qui fait sa délurée et sa rebelle pour montrer qu’elle existe et qu’elle peut être aimée. C’est Jessica Barden, vue dans la série Penny Dreadful, qui incarne ce rôle, à la perfection : son petit air mutin et effronté fait merveille, tout en laissant voir aussi cette détresse qui demeure comme le fondement de son identité.

 

La référence à « True Romance » est assez évidente

 

Du comics à la série TV

The End of the F***ing World est adaptée du roman graphique de Charles Forsman dont l’œuvre est volontiers violente et désabusée, et qui a été admirée comme chef-d’oeuvre minimaliste à la manière des Peanuts (1). L’album est édité en France par l’excellente maison d’édition l’Employé du moiThe End of the F***ing World met bien à profit l’humour noir original et cette manière de silence entre les êtres qui fait leur lien essentiel. Le rythme aussi, très lent, très introspectif, est respecté, et le résultat est une série atypique dans le paysage actuel : elle pose les questions essentielles de tout adolescent : la peur de devenir adulte, la peur du monde, la peur d’être soi.

 

© Charles Forsman

 

Une mini-série vraiment très réussie.

 

Loïc Di Stefano

The End of the F***ing World, mini-série britannique de 8 épisodes de 25 minutes chacun créée par Charlie Covell

Disponible depuis le 08 janvier 2018 sur Netflix

 

(1) « The most beautiful piece of Americana made in years. Every page Forsman draws is a minimalist masterpiece. Huge and heartbreaking. A modern triumph disguised as an episode of Peanuts. » Matt Seneca, influent critique de comics américain

 

 

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