Enseigner la guerre, la formation des officiers de l’entre-deux guerres en question
Officier de l’armée de terre et docteure en histoire, chef du département Histoire et Géographie de l’académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan, Morgane Barey publie avec Enseigner la guerre un ouvrage très ambitieux sur la formation des officiers entre 1918 et 1945, entre la grande victoire de la Grande Guerre, le désastre de 1940 et la participation limitée à la victoire des alliés en 1945. Vaste entreprise !
Des écoles dépassées ?
De fait, que se passe-t-il après 1918 ? L’armée française se ferme petit à petit sur elle-même, ses enseignants étudient la grande guerre, ses caractéristiques, en tirent des leçons et en concluent que le prochain conflit (si conflit il y a) sera similaire. De fait, les futurs officiers apprennent la discipline, la tactique et des règlements sans réfléchir… Du moins au début car les années trente sont aussi un moment de bouillonnement intellectuel, on réfléchit sur le combat interarmes, l’armée de l’air se développe mais c’est trop peu, trop tard… S’il y a de brillantes individualités, le groupe des officiers est par trop conformiste.
Des leçons mal apprises en 1945
L’armée française, battue en six semaine au printemps 1940, se fractionne. Les français libres continuent la guerre, apprennent beaucoup des combats menés avec les britanniques, en particulier au niveau de la guerre irrégulière. En France, les écoles sont repliées en zone libre et en Algérie. De Lattre essaie de tirer des leçons de mai 1940, insiste sur la préparation des corps et des âmes, essaie de lutter contre l’esprit et les habitudes du Saint Cyr d’avant-guerre. L’amalgame entre français libres et anciens vichystes dans la future première armée française, puis celui avec les officiers FFI laisse espérer un renouvellement… au final très limité. Les FFI devenus lieutenants sont souvent âgés par rapport aux jeunes saint-cyriens et sont obligés de quitter l’armée… pour des raisons de limites d’âge. La Royale est encore plus conservatrice et la guerre d’Indochine mobilise les énergies. Il faudra attendre les années soixante et l’adoption de la dissuasion nucléaire pour que l’armée française évolue définitivement. Cette excellente synthèse rebat bien des cartes.
Sylvain Bonnet
Morgane Barey, Enseigner la guerre, Perrin, avril 2024, 368 pages, 25 euros