Lincoln, l’émancipateur

Spécialiste incontesté de l’histoire des Etats-Unis au XIXe siècle, Farid Ameur a écrit de nombreux ouvrages sur la guerre de sécession, dont un récit de la bataille de Gettysburg (Tallandier, 2014) assez réussi. Il a aussi publié une biographie de Sitting Bull (Larousse, 2010) qui permettait de voir ce chef indien mythique sous l’angle de l’étude historique. A l’automne de l’année 2024, il a publié la biographie d’un homme qui a changé l’histoire de son pays, Abraham Lincoln.

Un gars du Middlewest

Originaire du Kentucky, le jeune Lincoln et sa famille déménagent plusieurs fois entre Kentucky, Indiana, Illinois. Enfant, Abraham perd très tôt sa mère et sa sœur, se retrouvant face à un père taiseux et taciturne qui se remarie très vite. Heureusement, sa belle-mère témoigne de l’affection au jeune homme décidé à s’instruire et à ne pas travailler la terre comme son père toute sa vie. Il quitte sa famille et commence une série de petits boulots, ce qui ne l’empêche pas d’étudier le droit et de lire tout le temps. Abraham tombe amoureux d’Ann Rutledge (et je ne puis m’empêcher de penser au début du beau film de John Ford, Young Mister Lincoln, avec Henry Fonda) mais celle-ci meurt de la fièvre. La vie n’épargne pas Lincoln mais il s’accroche. Et il finit par réussir à devenir avocat, à s’enrichir un peu, à se faire un nom et à se lancer dans cette politique qui le passionne.

Devenir président

Lincoln se forge une stature de représentant du peuple d’abord dans le parti Whig puis dans le parti républicain. Abolitionniste, il n’a rien d’un radical, s’opposant à l’extension de l’esclavage à l’ouest. La décennie 1850 voit les jeunes Etats-Unis se déchirer sur cette question qui oppose le Nord au Sud. Farid Ameur réussit avec brio à nous présenter le contexte explosif de l’année 1860 qui voit Lincoln gagner l’élection… et le Sud faire sécession. On ne refera pas le récit détaillé de cette guerre mais Lincoln s’impose par son sang-froid, son acuité et aussi son charisme. Jamais il ne doutera du bien-fondé de la guerre. Progressivement, alors qu’il partageait certains préjugés « racistes » vis-à-vis des noirs, il devient l’homme de l’émancipation, faisant voter le douzième amendement en janvier 1865 (et je renvoie au très réussi Lincoln de Spielberg). Parallèlement, il veut aussi être l’homme de la réconciliation avec les Sudistes, imposant des conditions strictes après leur reddition sans condition : les « anciens combattants » peuvent ainsi rentrer chez eux avec leurs chevaux et leurs armes. Son assassinat va l’empêcher de mener la Reconstruction qui, après les années 1870, va aboutir à la ségrégation dans le Sud, ce qui n’était pas son souhait. Cette biographie remarquable du plus grand président républicain fera en tout cas date.

Sylvain Bonnet

Farid Ameur, Lincoln, Fayard, octobre 2024, 456 pages, 24 euros

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