Les Ombres aussi ont peur du noir, incroyable thriller ado de Philip Le Roy

Un nouveau roman de Philip Le Roy est toujours un événement, pour ses lecteurs adultes, la preuve en est son récent prix Bob Morane pour l’incroyable Aliana. Mais depuis quelques années, il a montré sa maîtrise des romans pour les adolescents, et c’est avec Les Ombres aussi ont peur du noi qu’il poursuit son œuvre en littérature thriller ado, au sens propre du terme : qui fait peur. C’est encore un pari réussi, avec intelligence et beaucoup de belles surprises.

Une enfance dorée

Mathis est un élu. Beau, intelligent, héritier d’une famille très riche, sympa en plus, il a tout pour lui. A 16 ans, le monde lui appartient. Mais à part boire et faire la fête avec ses copains, rien ne l’intéresse vraiment. Même les filles, qui pourtant… C’est surtout qu’il doute de lui, d’abord c’est un vrai trouillard mais au fond de lui il ne sait pas où vont ses préférences. Un baiser échangé avec son meilleur copain jette le trouble, mais il était très alcoolisé…

Les vacances vont venir et il doit se séparer de ses potes parisiens pour partir dans le château familial. Son père a décidé de faire de lui un homme en l’entraînant pour un vol en tenue de chauve-souris, une wingsuit, sautant dans le vide (base-jump) des gorges du Verdon… Il s’est résigné. Et les nuits promettent de n’être qu’angoisse, car il craint de subir les bruits étranges de l’immense demeure. Hantée ? En tout cas, ce séjour s’annonce plus qu’une corvée. Seule la présence d’Hedy, sa meilleure amie, fan de Motörhead et de films d’horreur, le sauvera. Dans tous les sens du terme.

Un duo complémentaire

Autant Mathis est, disons-le, féminin, autant Hedy est masculine. C’est elle l’aventurière, elle file sur sa moto, se bagarre et pousse Mathis à se dépasser. De son côté, Mathis offre le terrain de jeu idéal : un manoir hanté. Ou pour le moins mystérieux. L’aile ouest a été condamnée (pourquoi ?), son arrière-grand-mère vit seule et recluse au deuxième étage (mais comment ?), et son grand-père semble avoir conçu un programme pour lui, afin d’en faire l’héritier de leur empire. Comme si toute sa vie était programmée. Comme s’il était le fruit d’une expérience…

Les personnages sont attachants et vivants. Leur langage est parfaitement crédible (merci Julianne !) et leurs défauts sont ce qui les rend proches des lecteurs. Mathis est un trouillard invétéré, et aucun des effets de peur et d’angoisse n’est artificiel, car l’écriture de Philip Le Roy pose tous les possibles : peut-être que ses consommations de psychotropes et d’alcool altèrent son appréciation de la réalité ? Peut-être que l’impression d’être observé qui ne le quitte pas (mais par qui ?) n’est qu’une manifestation de sa peur d’être lui-même, quand Hedy le conduit sur des chemins aventureux ?

Il est impossible de dévoiler l’intrigue de Les Ombres aussi ont peur du noir sans gâcher une part de son intérêt. Il faut simplement prévenir le lecteur qu’il va se faire happer par l’intrigue, suivre deux gamins attachants et toujours être sur un fil tendu entre le stress et l’humour. Car oui, entre les portes qui grincent, les envoutements, le comportement quasi sectaire de cette famille, les mystères qui planent comme autant de légendes noires sur leur demeure que les villageois regardent avec appréhension, Philip Le Roy a réussi à infiltrer de l’humour. Comme l’adolescent qu’il est resté, il se joue de ses lecteurs, dans ce qui pourrait bien être son meilleur thriller ado. Nuit blanche en perspective !

Loïc Di Stefano

Philip Le Roy, Les Ombres aussi ont peur du noir, Rageot, mai 2023, 403 pages, 16 euros

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