Charles de Gaulle, l’angoisse et la grandeur
Arnaud Teyssier, haut-fonctionnaire et ancien collaborateur de Philippe Séguin, est l’auteur d’une controversée Histoire politique de la Ve République (Perrin, 2011) et de biographies remarquables de Louis-Philippe (Perrin, 2010), Richelieu (Perrin, 2014), Philippe Séguin bien sûr (Perrin, 2017). Sur de Gaulle, il a déjà publié De Gaulle 1969 (Perrin, 2019) et L’énigme Pompidou-de Gaulle (Perrin, 2021). Ici, a décidé d’étudier directement la vie du grand homme avec Charles de Gaulle, l’angoisse et la grandeur.
Les ressorts du Général
Cette vie, nous en connaissons déjà les grandes lignes et nombreux sont ceux qui en ont retracé avec brio les étapes, de Jean Lacouture à Éric Roussel, sans compter l’ouvrage d’Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle. Arnaud Teyssier consacre beaucoup de pages à comprendre d’où vient de Gaulle, comment sa pensée s’est formée, à quelle école il a été. On apprend aussi qu’il s’est façonné au contact de grands écrivains comme Barrès et surtout Charles Péguy et Henri Bergson. De Gaulle est né en 1890, la génération de l’enquête d’Agathon, issu de cette jeunesse inquiète de la France, angoissée par son déclin. Toute sa vie, Charles de Gaulle a voulu lutter pour relever la France, empêcher son abaissement devant l’Allemagne mais aussi l’Angleterre et les Etats-Unis. On découvre aussi combien les conséquences du progrès technique sur la civilisation l’inquiétaient, Arnaud Teyssier en avait déjà parlé dans De Gaulle 1969.
L’homme qui nous manque
Sans être infaillible (il n’a pas vu concrètement venir mai 68), de Gaulle voyait loin et juste. Il a vu les conséquences de ce qu’on peut appeler « l’économisme » sur la vie politique et sociale. S’il a réussi temporairement à contenir les partis, s’il a doté la France d’une constitution permettant de gouverner appuyée sur le scrutin majoritaire à deux tours qu’on veut aujourd’hui supprimer (sic), il n’a pu prévenir ou soigner le mal qui nous ronge et dont il voyait les débuts : le consumérisme, la subordination de l’homme à la technique. Et puis il fallait prendre en compte cette société qui lui échappait : selon Arnaud Teyssier, c’était l’enjeu de la participation et du référendum de 1969, perdu à cause de son projet de réformer le sénat (comment expliquer à des milliers d’élus locaux qu’ils ne pourront pas réaliser leur rêve, c’est-à-dire devenir sénateur ?). Par son charisme, son élévation, son intelligence politique et son prestige, de Gaulle, permettez-moi, manque cruellement à l’époque actuelle. Et cet ouvrage érudit et détaillé d’Arnaud Teyssier le démontre à chaque page.
Sylvain Bonnet
Arnaud Teyssier, Charles de Gaulle l’angoisse et la grandeur, Perrin, septembre 2024, 656 pages, 26 euros