Une année terrible de Thibault Montbazet, retour à la guerre de 1870
Un conflit pas si oublié
La guerre de 1870, conflit qui engendre l’antagonisme franco-allemand, a été lentement ensevelie par la mémoire des deux guerres mondiales. Les historiens, eux, ne l’ont pas dédaigné, tant ce conflit fut fondateur de la modernité en Europe sur les plans politique, militaire et géostratégique. Citons par exemple les travaux du regretté François Roth sur le sujet, La guerre de 1870 (Fayard, 1990) venant bien sûr en premier. Thibault Montbazet, doctorant de Paris-I Panthéon Sorbonne, a choisi d’axer son essai en partant des lettres et du récit intime laissé par un des participants « involontaires » du siège de Paris, Léon Lescoeur, haut-fonctionnaire du ministère de l’instruction publique.
Une démarche féconde
C’est ici tout le travail de l’historien qui est dévoilé : trouver des nouvelles sources, les étudier et les interpréter afin d’enrichir notre connaissance d’un évènement guerrier. Nous avons ici deux témoignages, l’un à chaud où notre témoin raconte le siège, l’ambiance à Paris, les difficultés d’approvisionnement, les querelles politiques ; l’autre à froid où notre témoin, devenu octogénaire, livre un récit (rédigé en 1905) où les souvenirs se mélangent à l’expérience ultérieure. Léon Lescoeur, ancien élève de Victor Cousin, issu d’une famille janséniste, rallié à la République, s’est peu à peu aigri, ne comprenant pas la laïcité de combat de Ferry et encore plus d’Emile Combes.
Il a de surcroit plus ou moins adopté une partie du discours nationaliste, antisémite et anti-franc-maçon. Le témoignage est en tout cas d’un intérêt primordial, nous donnant un instantané de la pensée d’un bourgeois confronté à la défaite française, à l’effort patriotique puis au désir de revanche contre l’Allemagne (ce qui n’exclut pas la volonté d’imiter certains aspects du contre-modèle allemand).
Une année terrible (titre emprunté à Victor Hugo bien sûr) se révèle passionnant quand on s’intéresse à l’histoire du dix-neuvième siècle français.
Sylvain Bonnet
Thibault Montbazet, Une année terrible, Passés composés, mars 2022, 288 pages, 20 eur
