Le mouvement ou l’histoire des droits civiques
Un historien des droits civiques
Peu connu dans nos belles contrées francophones, Thomas C. Holt est un spécialiste de l’histoire des africains-américains et y a consacré l’essentiel de sa vie de chercheur tout en enseignant à l’université de Chicago. Il propose ici une histoire du mouvement des droits civiques, mais vu d’en bas, afin de mettre les « anonymes », tous ceux qui ont milité et fait vivre ce mouvement.
Un mouvement qui vient de loin
Holt insiste ici sur les racines du mouvement. On découvre ici que Rosa Parks a eu une devancière au XIXe siècle, Elisabeth Jennings, qui fut expulsée d’un tramway à New York parce que noire. Le boycott fut utilisé aussi dans les villes du Sud par des associations noires entre 1900 et 1906 pour lutter contre les discriminations et la ségrégation (c’est ce qui va amener le développement de la NAACP). Des méthodes qui seront utilisées avec brio dans les années 50 et qui ici n’aboutissent pas. Les mentalités ne sont pas prêtes alors que cela change petit à petit au milieu du XXe siècle, grâce aux deux guerres mondiales, à l’effet moral de la lutte contre le nazisme (notons que Truman décide après 1945 de dé-ségréguer l’armée) et à l’urbanisation des villes du Sud, particulièrement dans les états proches du Nord. L’essor économique, réel, aide à une prise de conscience, y compris chez les blancs.
Et le mouvement des droits civiques recrutera aussi beaucoup dans le Nord dans des segments de la population blanche : un soutien de poids.
Des résistances fortes
Dans le Sud profond (ou « Upper South »), il en va différemment. Certaines parties de la population n’hésitent pas à utiliser la violence contre les militants des droits civiques, y compris des blancs (le film Mississipi Burning en propose une version romancée). Le mouvement des droits civiques suscite l’embarras des institutions, y compris durant le mandat de Kennedy qui sait avoir besoin des voix des démocrates du Sud. Et c’est pourtant un sudiste, Lyndon Johnson, malgré des louvoiements et en partie sous la pression de l’opinion, qui fera voter des lois décisives et enverra des fonctionnaires fédéraux pour veiller à l’enregistrement des afro-américains sur les listes électorales (un travail à refaire ? Le découpage électoral et les lois en vigueur dans le Sud, acquis désormais aux Républicains, montrent que ces conquêtes restent fragiles).
Le Mouvement est un excellent ouvrage, court et précis.
Sylvain Bonnet
Thomas C. Holt, Le Mouvement, la lutte des africains-américains pour les droits civiques, traduit de l’anglais par Jean-Claude Zancarini, préface de Michelle Zancarini-Fournel, La Découverte, mai 2021, 192 pages, 18 eur