« Une confession », le chef-d’œuvre retrouvé de John Wainwright

Pourquoi une Confession, que Georges Simenon signala comme « inoubliable » est-il resté inédit en français jusqu’à ce jour ? Publié en 1984, son auteur n’est pourtant pas un inconnu. John Wainwright est d’abord l’auteur de l’admirable Brainwash (1979), publié en français sous le titre À table ! (Gallimard, « Série noire », 1980) et adapté au cinéma par Claude Miller dès 1981 sous le titre Garde à vue, ce chef-d’œuvre avec un duel d’acteurs magnifiques, Linon Ventura et Michel Serrault. Peut-être Wainwright a-t-il été trop prolifique et une Confession aura–t-il été noyé dans la masse… Toujours est-il qu’il paraît enfin et que l’on peut affirmer une chose : Simenon savait lire !

une petite vie bien rangée

John Duxbury est un homme sans histoire, au point de se croire lui-même médiocre. Pourtant, il a bien réussi dans la vie : il dirige une petite imprimerie et son fils est prêt à prendre la relève. Il a une belle et grande maison, l’estime de tous… sauf de sa femme, Maude, si aimée pourtant. Comme si leur mariage avait quelque chose d’amer, bien que rien ne puisse en être la cause. L’épuisement de la vie de couple ? La nature même de Maude ? John consigne sa vie dans un journal qu’il destine à son fils, après sa mort, et y déverse tout son amour et toutes ses souffrances.

Alors qu’ils prennent leurs premiers jours de vacances depuis longtemps, Maude fait une chute mortelle, ayant glissé sur un étroit sentier en haut d’une falaise. Glissé ? L’inspecteur Harry Harker, manière de Colombo boitant et qui cerne son sujet mine de rien, a la conviction — quasi la certitude dicté par son instinct de flic — que Maude a été poussée… il est aidé en cela par un témoin, mais une manière d’être informe et qu’il sait incapable de tenir à la barre. Il a vu, mais il ne sert que d’aiguillon à la conviction de l’inspecteur et à mettre le doute dans l’esprit du lecteur. Car pourquoi ce pauvre diable irait-il inventer une chose pareille ?

le duel a distance

S’installe alors un trouble chez le lecteur. Car si l’inspecteur Harry Harker semble n’avancer qu’en cercles très éloignés de sa cible, il dresse petit à petit un portrait de John Duxbury qui va lui permettre d’avancer ses pions et de tenter de démontrer qu’il y a eu meurtre. Ce chemin s’oppose au récit qu’en secret John Duxbury fait dans son journal, mais, bien sûr, une confrontation finale viendra éclairer le vrai du faux. Et étonner le lecteur ! Toute comme la fin, pirouette malicieuse, où l’inspecteur Harry Harker règle ses comptes avec sa hiérarchie, surtout décrite tout du long comme inutile et surpayée…

Une Confession est un roman étonnant, qui fouille la psychologie, sans en avoir l’air, et qui marque. On reconnaît le talent et le style de Wainwright, sa manière de faire des cercles plus ou moins grands et de les resserrer sur les personnages. Tout est là, sous nos yeux immédiatement, mais c’est à la fin seulement qu’on va comprendre. Quel bouquin !

Loïc Di Stefano

John Wainwright, une Confession, traduit de l’anglais par Laurence Romance, Sonatine, mars 2019, 270 pages, 20 eur

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