Makbeth, le Kolossal, au Théâtre du Rond-Point

Le Munstrum Théâtre de Lionel Lingelser et Louis Arene propose au Théâtre du Rond-Point une version du Macbeth de Shakespeare.

Shakespeare ne cesse d’inspirer les artistes contemporains qui puisent chez le barde des échos à notre époque hantée par la violence, l’absurdité et la guerre. 

Avec « la pièce écossaise » comme les Anglais l’appellent superstitieusement, la troupe alsacienne du Munstrum théâtre a décidé de mélanger les genres shakespeariens dans ce qu’ils ont de plus spectaculaires et de plus exacerbés. La pièce s’ouvre sur un quart d’heure de guerre moderne, mêlant les références à la Première Guerre mondiale aux conflits actuels comme en Ukraine. Le son explose dans le théâtre du Rond-Point, les soldats s’arrachent les tripes, le sang fuse sur un rythme démoniaque. Makbeth (1), on le sait, est le vainqueur de cette bataille, ce qui lui permet de se hisser dans les faveurs du roi d’Ecosse, Duncan — ici représenté en petit gros ridicule et pétomane. Il devient Général. La prophétie qui lui est révélée par des sorcières hante Makbeth. Mieux que Général, il deviendra roi, mais Banquo, son frère d’armes aura, lui, une descendance de souverains. C’est, bien sûr, l’épouse, lady Makbeth qui va convaincre ce guerrier assoiffé de pouvoir mais encore trop loyal envers son roi de tuer le souverain et son fils pour saisir la couronne. 

D’une certaine façon, la troupe du Munstrum Théâtre propose une pièce écossaise très shakespearienne dans son esprit. Comme à l’époque du grand Will, Lady Makbeth est jouée par un homme (Lionel Lingelser) dont la taille dépasse ironiquement celle de son époux ; quand les rôles de certains personnages masculins sont tenus par des comédiennes comme Sophie Botte qui joue Banquo, ce que Shakespeare aurait sûrement apprécié. Et comme à l’époque élisabéthaine, le spectacle mêle bouffonnerie et effets spectaculaires, ici bien rendus par des bandes sons techno ou pop, des trouvailles visuelles impressionnantes tels ces acteurs transformés en vermines qui dévorent la conscience de Makbeth ou le sang qui coule à flot d’une roche… 

Mais trop d’effets kolossaux font perdre la subtilité de la pièce. Le texte qui se contente d’une version courte se dissout dans l’effet visuel et l’on songe davantage aux effets horrifiques d’une pièce moins aboutie du barde : Titus Andronicus qui mélange combats et jets d’hémoglobine. Moins de texte, plus de sang et de rythmes endiablés. Cette nouvelle formule plaira au jeune public en recherche de sensations fortes mais l’admirateur du texte shakespearien restera un peu frustré.

Stéphanie Hochet

Stéphanie Hochet est l’autrice du roman William consacré aux années manquantes dans la biographie de William Shakespeare.

(1) Le Munstrum Théâtre rebaptise le héros écossais avec un K.

Au théâtre du Rond-Point du 20 novembre au 13 décembre 2025.

Laisser un commentaire