Unlocking The Air : les mondes d’Ursula K. Le Guin

Une des grandes écrivaines de la science-fiction

Ursula K. Le Guin (1929-2018) est une des grandes femmes de la science-fiction (Leigh Brackett ou Kate Wilhelm, dans sa génération, le furent également). On lui doit notamment La main gauche de la nuit et les dépossédés, prix Hugo en 1969 et en 1974 qui lui ont permis de conquérir l’estime de beaucoup. Elle fut l’une des représentantes de la Speculative-Fiction, incorporant la sociologie et l’anthropologie dans la construction de ses histoires. Plusieurs recueils sont parus récemment, Unlocking The air étant publié par les éditions ActuSF. Et il est plutôt déconcertant.

Un recueil très éclectique

Il est très difficile de résumer Unlocking The Air, paru aux États-Unis en 1996. On y trouve beaucoup de choses, y compris des histoires éloignées de la science-fiction et de la fantasy.  Il en est ainsi de Quatre heures et demie, nouvelle ayant la famille comme sujet. On y découvre ne fille enceinte qui ne veut pas dire qui est le géniteur, avec son père qui regrette de ne pas s’être assez occupé d’elle. Plutôt une chronique sur la filiation. Dans Tenir ses positions on voit une jeune fille accompagner sa mère qui vient avorter. Dans Créatures de mon esprit, une femme évoque des animaux morts, du scarabée à la mouette en passant par un moineau. C’est légèrement onirique, sans aucune action mais avec de la poésie.

Et puis des choses se passent…

Dans Limberlost, nous découvrons un futur où hommes et femmes sont séparés, visiblement après une guerre. On y voit aussi une écrivaine qui se rappelle des hommes et leur nature si particulière. C’est savoureux. On change d’échelle avec Ether, ou : voilà une chronique assez touchante d’une petite ville américaine et de ses turpitudes sentimentales autour du personnage d’Edna. Mais la ville cache aussi des secrets dont l’étonnante longévité de Tobinye Walker. Chaque mini-chapitre laisse parler un personnage, c’est donc un récit choral, largement réussi. Citons La clef des airs qui fait partie d’un des nombreux cycles de l’auteur, Orsinia, ce qui fera le bonheur de ses fans.

Ma fille, ma bataille

Parler d’un recueil est toujours compliqué, mieux vaut parler des histoires qui vous ont interpellé. Il en est ainsi de La grande fille à son papa qui raconte l’histoire d’une jeune fille qui ne s’arrête pas de grandir au grand dam de ses parents, devant les yeux ébahis de sa sœur aînée. Mais bientôt elle emplira tellement l’espace qu’on ne la discernera plus. L’auteur de ses lignes a été ici très ému et ne peut que recommander cette histoire.

Pour conclure, rappelons que ce recueil ne s’ancre pas toujours dans la fantasy et la science-fiction. La tonalité des histoires s’ancre dans une ambiance « ordinaire », proche parfois de Raymond Carver (et oui ! tout arrive). Une preuve supplémentaire du talent d’Ursula K. Le Guin.

Sylvain Bonnet

Ursula K. Le Guin, Unlocking the air, traduit de l’anglais par Erwan Devos et Hermine Hermon, éditions ActuSF collection « perles d’épice », préface de Bernard Henninger, février 2022, 344 pages, 20,90 euros

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