Le droit à la différence : La France, l’universalité et les juifs

Historien américain spécialiste de la culture française et juive, Maurice Samuels enseigne à Yale. En France, il est connu depuis la publication de L’Invention de la littérature juive en France (Hermann, 2017). Les éditions La Découverte ont publié en mars dernier Le droit à la différence où il revient sur la relation très particulière tissée entre l’universalisme français et les juifs de France.

Un exemple paradigmatique

Pour Maurice Samuels, la naissance de l’universalisme à la française se fait au moment de la Révolution lorsque l’assemblée constituante s’empare d’un débat : donner ou non la citoyenneté aux juifs présents sur le territoire. C’est surtout autour des ashkénazes d’Alsace et de Lorraine que le bât blesse, ceux-ci étant jugés arriérés, plein de superstitions, si « juifs », y compris par leurs coreligionnaires séfarades de Bordeaux. La thèse de Samuels est ici de montrer que des conceptions différentes de l’universalisme se sont affrontées autour de la question des juifs mais que l’enjeu était clair : faire des juifs des citoyens sans nier leur différence car c’est justement leur différence qui en faisait leur importance. Si la France en faisait des citoyens, elle démontrait là son pouvoir inclusif.

A travers l’histoire

Il n’empêche qu’il y a eu des versions plus autoritaires de cet universalisme, comme avec Napoléon et ses décrets contre l’usure, qui ne remettent pas en aucun cas l’octroi de la citoyenneté. Samuels prend ensuite d’autres exemple comme celui de la tragédienne Rachel qui devient célèbre en interprétant Racine, de Zola et de certaines de ses ambiguïtés lors de la préparation de son roman L’argent et aussi de La Grande illusion. Dans ce film, Renoir peint avec une certaine subtilité le personnage de Rosenthal, stéréotype du juif dans l’imaginaire antisémite, affirmant sa différence tout en montrant sa francité et son amitié franche avec Maréchal (c’est l’occasion de rendre hommage aux deux acteurs, Marcel Dalio et Jean Gabin).  Notons ici que Renoir, pour pouvoir tourner, écrivit des lettres antisémites à Tixier-Vignancour, alors secrétaire général adjoint à l’information du gouvernement de Vichy…

Le Droit à la différence est un excellent ouvrage qui ouvre de nombreux chantiers de réflexion à un moment où la question de l’assimilation des musulmans en France se pose avec une certaine gravité.

Sylvain Bonnet

Maurice Samuels, Le Droit à la différence, traduit de l’anglais par Olivier Cyran, La Découverte, mars 2022, 300 pages, 22 euros

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