Le corps et l’âme, le temps d’un adieu

La dernière aventure de John Harvey

Ancien journaliste, John Harvey s’est lancé dans l’écriture de romans noirs la quarantaine venue et il a fait de Nottingham, sa ville de résidence, le décor de de ses nombreux romans. Il est l’auteur de deux séries principales consacrées à deux policiers : tout d’abord Charlie Resnick, lancé avec l’excellent Cœurs solitaires (Rivages, 1993) et ensuite Frank Elder, apparu dans De chair et de sang (Rivages, 2007). Après l’excellent recueil Une étude en noir en 2018, les éditions Rivages publient ici son dernier roman, Le Corps et l’âme, consacré à Frank Elder.  

Sauver son enfant 

Frank Elder vit dans un petit village des Cornouailles, retraité de la police qui ne dédaigne pas de temps en temps donner un coup de main à la police locale. Il a sa petite amie, Vicki, chanteuse de jazz et ma foi, le temps est pas mal. Lorsque Katherine, sa fille, l’appelle pour venir le voir, il est surpris :  

— Je voulais passer te voir. Si ça te va… deux, trois jours. J’ai des vacances.        

— Oui, oui, bien sûr, mais…

— Et pas de questions, papa, d’accord ? Pas d’interrogatoire. Sinon, je rentre par le premier train. Il s’aperçut, une fois qu’elle eut raccroché, qu’il ne savait plus exactement où elle habitait. 

Quelques années plus tôt, Frank a sauvé sa fille, enlevée et violée par un dangereux maniaque. Il remarque dès son arrivée ses poignets bandés. Et il ne pose pas de questions, il est là. Puis elle repart comme ça. Il finit par apprendre que sa fille a été modèle pour un peintre nommé Anthony Winter et qu’elle a eu une liaison avec lui. Frank va voir l’exposition, voit les tableaux où Katherine est représentée… et frappe le peintre. Fin de l’histoire ? Non : lorsque ce dernier est retrouvé assassiné, Katherine est parmi les suspects. Et Frank va l’aider bien sûr.  

« Tes sanglots longs n’y pourront rien changer… » (Gainsbourg)  

Avec Le Corps et l’âme, ce sont donc les adieux de John Harvey à un de ses personnages fétiches et, vu son âge, certainement son dernier roman. Le titre en anglais renvoie à la chanson Body and Soul de Billie Holiday, qui date de 1957 et nous, en lisant ce roman écrit comme un long requiem, on pense à cette phrase de Gainsbourg tirée de Je suis venu te dire que je m’en vais. On trouve dans ce roman une étude des relations entre un père, qui a été beaucoup absent, et sa fille, une autre aussi sur la relation entre un artiste et son modèle. Le temps qui passe aussi sur une Angleterre pluvieuse et grise.

C’est magnifique, violent (quelle fin !) et on regrette de ne pas avoir plus lu John Harvey. L’amateur de roman noir tient avec Le Corps et l’âme un pur joyau. Qu’il le savoure.  

Sylvain Bonnet

John Harvey, Le Corps et l’âme, traduit de l’anglais par Fabienne Duvigneau, Rivages, janvier 2021, 284 pages, 21,50 eur

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