Le Voyage de Chihiro

Les films des studios Ghibli constituent un genre à eux seuls qui mettent l’accent plus sur l’émotion que sur l’action, où la géographie a une place centrale, l’écologie également. C’est un monde propre et cohérent qui nourrit les personnages. Et c’est un mode onirique très puissant qui va nourrir la petite Chihiro dans son étonnant voyage.

 

Voyage dans la fantasy onirique de Hayao Miyazaki

Très inspiré par Alice au Pays des Merveilles de Lewis Carroll, Le Voyage de Chihiro est une épreuve que doit traverser la petite fille : comprendre comment fonctionne ce palais étrange et ses créatures inquiétantes, y survivre, et délivrer ses parents transformés en porcs dès leur arrivée. Le voyage proprement dit est une quête initiatique : Chihiro, alors que c’est le seul personnage du film qui ne change pas, est-elle sous nos yeux en train de devenir elle-même ?

Véritable anti-Disney, les personnages sont définis par leur environnement, et non l’inverse. Si des thèmes sont communs (l’enfance, les sorcières, etc.) la finalité de Miyasaki n’est pas morale, il s’attache à mettre sa petite héroïne en situation. Sa révélation, est le film d’animation Le Serpent blanc, mais son influence artistique doit aussi beaucoup au Roi et l’oiseau du français Paul Grimault.

Une des grandes réussites du Voyage de Chihiro est d’avoir su transcender les schèmes traditionnels japonais et en avoir fait un langage visuel universel. Le succès vient aussi de l’implication demandé au spectateur : « on ne peut admirer passivement ce monde : il faut y pénétrer et l’explorer »

 

 

Un portrait de Miyazaki

Cet essai sur Le Voyage de Chihiro est aussi le moyen de parler de l’œuvre et de la vie de Miyazaki. Par exemple la mère malade dans Mon voisin Totoro, c’est la sienne. L’artiste peintre dans Kiki la petite sorcière, qui brûle son œuvre parce que trop copiée de son maître, c’est lui.

Son entrée au studio Toei, sa rencontre avec Isao Takahata, leur commun engagement politique, ses rencontres ultérieures, l’accueil de ses films, sa distribution tardive par Disney (doux paradoxe). Un bon tiers du livre est entièrement consacré, comme une biographie par ses œuvres. Mais quel est le rapport avec Le Voyage de Chihiro ? On est parfois très loin du sujet…

 

 

On pourra regretter la construction du livre, à la fois trop linéaire dans sa relecture du film et mal construit pour ses digressions biographiques. On sent l’attrait de l’auteur pour son sujet mais, à la fois, on sent aussi qu’il se sert du film pour parler de son auteur et passe à côté de certains des thèmes du Voyage de Chihiro.

À lire plutôt comme une plaisante introduction à l’œuvre de Miyazaki.

 

 

Loïc Di Stefano

Andrew Osmond, Le Voyage de Chihiro, traduit de l’anglais par Sandy Julien, Akileos, « BFI : les classiques du cinéma », octobre 2017, 120 pages, 11,90 euros

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