1922-1929 : Les années folles ? La tragédie de l’entre-deux-guerres en marche
De la grande guerre aux années vingt
Spécialiste de la Première Guerre mondiale, Jean-Yves Le Naour a signé une série d’ouvrages consacrés à chaque année du conflit et paru chez Perrin de 2014 à 2016. On lui doit aussi des livres sur des questions différentes comme L’Histoire de l’abolition de la peine de mort (Perrin, 2011). Il revient ici avec un ouvrage sur les années 1922-1929, suite d’un précédent opus sorti en 2020 sur la période 1919-1921 centrée sur les traités de paix, surnommées les fameuses années folles.
« L’Allemagne paiera ! »
Sorti vainqueur du conflit, la France est un pays épuisé, tant démographiquement que financièrement, peuplé d’orphelins, de mutilés et de veuves de guerre. Tous les gouvernements de la période ont la volonté de faire respecter le traité de Versailles, qu’ils savent imparfait, et de toucher les Réparations dues par Berlin. Or l’Allemagne rechigne, chicane, tergiverse, avec le soutien de Londres comme le démontre Le Naour. La France, aidée de la Belgique, a beau faire occuper la Ruhr en 1923, les gains sont négligeables et mal exploités. Et elle échoue aussi en Rhénanie à susciter un mouvement indépendantiste (le voulait-elle vraiment ?). La France touchera finalement peu de l’Allemagne et financera par elle-même la reconstruction des régions dévastées par la guerre. Une arnaque, au fond ?
Une puissance sans alliés
Cet ouvrage de Jean-Yves Le Naour permet aussi de voir à quel point la France, à partir de 1922, n’a plus d’alliés. Déjà, elle ne peut plus compter sur la Russie comme alliance de revers depuis octobre 1917 mais la non-ratification par le sénat américain du traité de Versailles la prive du soutien des États-Unis mais aussi… de celui de la Grande-Bretagne. Obsédé par le passé napoléonien, ayant toujours comme but d’empêcher toute hégémonie continentale, Londres se méfie de la France « militariste » et adopte presque toujours des positions anti-françaises et pro-allemandes. Or, la France, 40 millions d’habitants, face à une Allemagne de 67 millions d’habitants : en cas de guerre, le rapport de force est d’une évidence cruelle. Les gouvernements français successifs vont tout faire, la plupart du temps en vain, pour amener Londres de leur côté, quitte à jouer l’apaisement face à un Stresemann et à signer des accords bien plus ambigus qu’on en le croit à Locarno.
Derrière le charleston des années folles se cache donc les débuts d’une tragédie… 1922-1929 Les années folles ? de Jean-Yves Le Naour est clair et brillant.
Sylvain Bonnet
Jean-Yves Le Naour, 1922-1929 Les années folles ?, Perrin, février 2022, 416 pages, 25 eur