Bonabarta : Napoléon, une passion arabe ?

Membre du conseil d’administration de l’Institut d’Égypte, l’historien égyptien Ahmed Youssef s’est fait connaître en écrivant L’Orient de Jacques Chirac et Bonaparte et Mahomet. Il publie avec ce Bonabarta un essai sur la façon dont Napoléon a été perçu en Egypte et dans le monde arabe, à partir de l’arrivée de sa fameuse expédition en 1798.

Comment Bonaparte fut-il perçu ?

En bon historien, Ahmed Youssef interroge les sources. Et il y en a : un des membres du « Divan », assemblée de cheikhs mise en place pour l’administration du pays, du Caire, le cheikh Rahman Al-Gabarti, a écrit sur les mois passés par Bonaparte en Egypte. Un chrétien libanais, Nicolas Turc, a laissé une histoire de l’expédition écrite à la demande du Sultan. Il en ressort que les égyptiens ont vécu un choc. Dirigé par les Mamelouks depuis des siècles, cette province excentrée de l’Empire Ottoman était resté pour une part à l’écart des changements techniques et culturels. Gabarti raconte son étonnement devant un ballon lancé par les français, leurs expériences de chimie ou le libre accès aux livres dans la bibliothèque fondée par les français. Il montre aussi comment les efforts de Bonaparte pour séduire les élites égyptiennes sont resté en partie vains. Mais Gabarti montre aussi que Bonaparte a séduit, fasciné.

Un mythe dans le monde arabe

Si Bonaparte quitte l’Égypte en 1799, si les français capitulent en 1801, l’héritage de ces années est immense. Pour Ahmed Youssef, le Divan institué par Bonaparte est la première expérience de gouvernement des égyptiens par les égyptiens. Au XIXe siècle, Mehmet Ali va émanciper en partie le pays de la tutelle ottomane et devenir vice-roi en s’appuyant sur des officiers français et en modernisant son pays. C’est lui qui va autoriser Lesseps à creuser le canal de Suez, projet rêvé par Bonaparte. Le conquérant devient un personnage de roman et de poésie et même un héros de série télévisée et de film : songeons à Adieu Bonaparte de Youssef Chahine. Si les insurgés du Caire sont valorisés, leur vainqueur l’est aussi. Notons que Napoléon est un prénom donné aux enfants en Égypte. Un héritage qui dure. Et un essai singulier et réussi.

Sylvain Bonnet

Ahmed Youssef,  Bonabarta : Napoléon, une passion arabe ? Passés composés, mai 2024, 160 pages, 17 euros

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