La rafale et le zéphyr, histoire des vents par Alain Corbin

Historien des sensations

Alain Corbin a un parcours original. Après sa thèse, Archaïsme et modernité en Limousin, il s’est tourné vers l’histoire des mentalités et des sensibilités en exploitant des sources variées et en ayant recours à la psychologie sociale. Typique de cette démarche, Un ouvrage comme Le Miasme et la jonquille (Flammarion, 1982), une histoire de l’odorat aux XIXe et XXe siècles, a proposé une lecture de l’odorat comme « construit social » et produit d’une classe, la bourgeoisie. Il s’est aussi intéressé à l’histoire de la perception du temps, de la météo et La Rafale et le zéphyr se rattache à ce type de travaux.  

Le vent révèle l’être humain

Avec La Rafale et le zéphyr, Alain Corbin se sert des sources disponibles, en particulier littéraire, pour relire le rapport au vent. Vent de la montagne, vent de la mer, vent chaud ou vent glaçant : tout y passe. De la bible, où Dieu fait sentir sa puissance à travers le vent qu’il fait souffler sur son peuple à Ossian et au sifflement du vent dans la forêt, on se rend compte que le vent fascine et effraie les hommes depuis le fond des âges. Il est même une source d’érotisme : revoyons le printemps de Botticelli ou relisons Regain de Jean Giono :

Le vent entre dans son corsage comme chez lui. Il lui coule entre les seins, il lui descend sur le ventre comme une main ; il lui coule entre les cuisses ; il lui baigne toutes les cuisses, il la rafraîchit comme un bain. 

Explicite, non ? On retrouve aussi le vent au théâtre chez Shakespeare ou Ibsen, au cinéma également ! pensons à Monica Vitti dans L’éclipse.

L’ouvrage se termine sur une évocation du vent soufflant sur les îles Kerguelen, « une voix venant d’un autre monde » selon Jean-Paul Kaufman. Parfois déroutant, La Rafale et le zéphyr se révèle un excellent ouvrage.  

Sylvain Bonnet

Alain Corbin, La Rafale et le zéphyr, Fayard, mars 2021, 180 pages, 19 eur

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