Un automne de Flaubert

16 septembre 1875. L’homme plume (selon la belle expression de Pierre-Marc de Biasi), est à Concarneau. Physiquement très amoindrit, c’est surtout la banqueroute familiale qui le perturbe, comme si tous les principes de sa vie d’artiste venait se voir opposer un démentit économique. A partir de ce bref épisode balnéaire, Alexandre Postel retrace la vie de Gustave Flaubert (1861-1880) avec un vrai beau talent.

un roman vrai

Appuyé sur une sérieuse connaissance de l’homme, notamment par sa correspondance et études littéraires de qualité, Un automne de Flaubert est le portrait d’un homme épuisé. Flaubert est tiraillé entre plusieurs forces qui le pressent de tout côté. Ses angoisses de ne rien maîtriser sur les questions financières, son niveau étant ruiné et sa chère nièce ne répondant pas à ses requêtes d’information.

Il veut voir s’il est encore capable de faire une phrase. Sans doute lui est-il impossible de porter plus loin son regard.

Ses difficultés à trouver l’inspiration, à écrire encore. Ses soucis de santé, trop gros, édenté. Pire, lui qui n’a jamais aimé ses contemporains se trouve confronté à une esthétique qui le dépasse. Zola, son cher ami, gouverne avec son luxe de détail et son goût de la vérité.

L’art et la science

A Concarneau, Flaubert retrouve le goût de vivre au contact de l’éminent naturaliste et anatomiste Georges Pouchet (1833-1894). Ce scientifique le prend à ses côtés et lui permet d’assister à ses travaux de dissections sur différents animaux marins. C’est surtout sa ferveur qu’il admire. La même qu’avait son père. La ferveur qui rend les hommes de science supérieurs. Mais cette supériorité est lié à leur utilité ? Et, reprenant son projet de conte, Flaubert redécouvre la puissance de l’art. C’est La Légende de Saint-Julien l’Hospitalier qui remet le maître de Croisset sur son propre chemin, celui de l’écriture. Il fallait qu’il se coltine à la supériorité de la science pour réapprendre son art.

Un automne de Flaubert tient par l’intelligence du propos aussi bien que par la beauté d’une langue inspirée, sans doute, par le maître de la littérature française lui-même. Alexandre Postel se glisse dans les pas du gros homme, entre tous les faits réels consignés dans la correspondance et les témoignages, et trouve quand même la place d’y épanouir son imagination, ses rêverie de Flaubert. Et il signe un très beau roman pour ceux qui aime Flaubert, et pour ceux qui aime les luttes intérieures d’un homme qui lutte contre son désœuvrement.

Loïc Di Stefano

Alexandre Postel, Un automne de Flaubert, Gallimard, janvier 2019, 133 pages, 15 eur

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