Bonaparte n’est plus ! une mort qui mit du temps à faire du bruit

Lentz et Napoléon

Après Jean Tulard, on peut affirmer sans crainte que Thierry Lentz est le spécialiste numéro un de Napoléon en France. Après avoir écrit une biographie de Roederer (Serpenoise, 1990) et une grande synthèse sur l’assassinat de Kennedy (Jean Picollec, 1995), il a publié Le Grand consulat (Fayard, 1999) et une Nouvelle histoire du Premier Empire en quatre tomes dont la publication chez Fayard s’est échelonnée entre 2002 et 2010. Plus récemment, il a publié une biographie remarquable de Joseph Bonaparte (Perrin, 2016) récompensé par le prix Chateaubriand. Il se penche ici sur la mort de Napoléon et son impact sur l’opinion européenne.

Une mort qui fait peu de bruit ?

Les faits sont simples : Napoléon Bonaparte rendit l’âme le 5 mai 1821 à Sainte-Hélène, visiblement des suites d’un cancer de l’estomac. La nouvelle met plus de deux mois à parvenir en Europe (aujourd’hui cela paraît incroyable !), le roi d’Angleterre George IV en étant un des premiers informés le 4 juillet. Puis elle se répand sur le continent, provoquant l’émotion de certains protagonistes de l’aventure napoléonienne, y compris un « traître » comme Marmont. Des centaines de brochures sont publiées, certaines accusant le gouvernement anglais d’avoir laissé mourir, voire d’avoir empoisonné l’ancien empereur. En Italie, l’émotion est palpable. Devenue duchesse de Parme, Marie-Louise prend le deuil (quoique enceinte de son amant Neipperg). A Rome, le pape fait donner des messes pour le défunt. Et en France ? Quelques manifestations. Pas grand-chose en fait…

Un évènement fondateur

En fait la mort de Napoléon selon Lentz fonde la légende napoléonienne sur laquelle va se fonder le bonapartisme :

La mort de Napoléon alluma bien une  “mèche lente” dont la combustion progressera lentement, embrasant au passage la légende de l’empereur libéral, romantique et même social, jusqu’à l’explosion des années 1840 avec le renouveau de la doctrine et la naissance d’un véritable parti bonapartiste, peaufinés et guidés par une nouvelle génération, nourris autant que soutenus par le Mémorial et la vague romantique. »

Il n’est plus mais il infuse toute la société française (et un peu ailleurs aussi). Mort, il devient un mythe dont bénéficiera à plein son neveu Louis-Napoléon en 1848 : beaucoup dans les masses rurales croiront alors voter pour l’oncle. Voilà ici le récit d’un évènement dont le retentissement fut moindre qu’espéré mais qui fonda bien des choses. Très bon ouvrage.

Sylvain Bonnet

Thierry Lentz, Bonaparte n’est plus ! Perrin, janvier 2019, 320 pages, 22 eur

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