Antiquité et cinéma : une exposition et un catalogue

L’exposition Antiquité et cinéma proposée jusqu’en mars par la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé (avenue des Gobelins, 75013 Paris) nous convie à un double voyage dans le passé. Voyage, bien sûr, dans l’Antiquité – avec un A majuscule – des Grecs et des Romains, mais voyage aussi dans une antiquité plus récente, celle d’un cinéma où les films ne se limitaient pas aux films, mais s’accompagnaient d’affiches dessinées et multicolores, de toiles peintes, de photos dans les halls des salles, bref, d’éléments qui faisaient rêver les spectateurs avant même qu’ils voient le film (qui pouvait d’ailleurs ne pas être à la hauteur de leur rêve). Les bandes annonces qu’on trouve aujourd’hui sur Internet ne sauraient remplacer ces « préludes ». Ce que nous venons d’évoquer vaut sans doute pour tous les genres cinématographiques, mais s’applique tout particulièrement au péplum dans la mesure où – et c’est cette hétérogénéité qui faisait tout son attrait – ce genre, par ses sujets mêmes, combine histoire et légende. L’outrance de certaines affiches mentait vrai : elle était l’avant-goût du spectacle sur l’écran de Persée combattant des monstres ou d’Hercule déracinant tout seul un tronc d’arbre.

Cette exposition ravive donc des souvenirs, quel que soit notre âge. Le vrai char de Ben-Hur et la gigantesque affiche du film de William Wyler qui nous accueillent dans l’entrée font face aux costumes du dernier Astérix (Astérix et Obélix : l’Empire du milieu)Une lacune un peu regrettable toutefois : cet encouragement à retomber légitimement en enfance pourrait être un peu plus pédagogique. En d’autres termes, il ne serait pas mauvais d’accompagner de quelques cartouches explicatifs les différentes pièces exposées, de citer un peu plus Homère ou Virgile, de préciser plus nettement ce que vient faire dans une vitrine une photo de Jean Gabin, de signaler que, dans certains cas, les fantaisies des péplums sont moins éloignées de la réalité qu’on pourrait le croire.

Une grande partie de cette lacune est heureusement comblée par un livre-catalogue intitulé lui aussi, comme de juste, Antiquité et cinéma. Cet ouvrage collectif, composé de différents chapitres de longueur et de nature très diverses, est dans l’esprit même de cette hétérogénéité propre au genre que nous signalions. On découvre ainsi une dissertation originale sur l’importance, à une époque où Internet n’existait pas, des fanzines dans l’établissement de l’histoire du péplum ; une évocation de l’œuvre de Riccardo Freda ; un topo sur les maquettes de décors imaginées par Alexandre Trauner pour La Terre des Pharaons de Howard Hawks ; un développement sur l’homosexualité – latente, sinon patente – des héros mythologiques incarnés par différents culturistes, un point sur Joseph Mankiewicz par Patrick Brion… Mais on retiendra surtout les chapitres « Quand Cinecittà réinventait l’Antique » et « L’écran à la conquête des libertés », dus respectivement à Florent Fourcart et Stéphanie Salmon. Tous deux mettent en rapport l’histoire du genre, l’histoire du cinéma en général et l’histoire du monde depuis le début du XXe siècle. Michel Butor, dans ses Essais sur le roman, expliquait que l’épopée était née du désir de prolonger à travers des mots un passé glorieux mais définitivement perdu. L’Italie – puisque ce genre, même hollywoodien, a toujours été italien dans son essence – a souvent trouvé dans le péplum son épopée d’après-guerre.

FAL

Collectif, Antiquité et cinéma, Éditions Fondation Jérôme Seydoux-Pathé, avant-propos de Pénélope Riboud-Seydoux, décembre 2024, 184 pages, 25 euros.

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