L’espionnage au Moyen-âge, le renseignement des rois
Un sujet largement méconnu
Voici un livre au départ qui interpelle le lecteur blasé. Non qu’on puisse penser que l’espionnage n’ait pas existé durant la période : l’activité est vieille comme le monde et les romains avaient développé la pratique (point abordé dans l’ouvrage). C’est en fait plus en termes de sources qu’on aurait pu a priori avoir des doutes. Valentin Baricault, ancien élève d’Elisabeth Crouzet-Pavan, relève en tout cas le défi, en se basant sur une documentation au final plus abondante qu’on ne croit. Et en bon historien, commence dans le premier chapitre par définir les mots qui recoupent l’activité d’espionnage durant l’époque médiévale. Il inclut aussi dans son périmètre les mondes musulman et byzantin (l’empereur Nicéphore Phocas notamment avec son traité sur la guérilla).
Les croisés et Louis XI
C’est lors des croisades qu’on découvre que les chevaliers Francs et normands ne dédaignaient pas d’utiliser des guides en Anatolie, fournis par Byzance, puis des espions, recrutés localement parmi les populations chrétiennes et aptes à se fondre dans la population ennemie. Bohémond par exemple, lors du siège d’Antioche a recours à la ruse et à la désinformation face à l’ennemi avec un certain succès. On (re)découvre aussi à quel point Louis XI, aidé par son conseiller Philippe de Commynes, fait du renseignement une base de son pouvoir, tant pour combattre son grand rival Charles le Téméraire que pour soumettre les grands seigneurs de son royaume. Commynes, pour le compte de son roi, construit et anime des réseaux d’espions et d’informateurs. Il n’hésite pas d’ailleurs à les réactiver lors de l’expédition de Naples menée par Charles VIII. Cette synthèse, inédite dans l’historiographie actuelle de la période, a le mérite d’attirer l’attention d’un lecteur exigeant et toujours curieux.
Sylvain Bonnet
Valentin Baricault, L’espionnage au Moyen-âge, Passés composés, avril 2023, 224 pages, 21 euros