Saint-Just, l’archange de la Révolution

Un nouveau regard sur l’histoire de la Révolution

Antoine Boulant fait partie de ces historiens formés à l’école de Jean Tulard, directeur de sa thèse sur les agents secrets du ministre des affaires étrangères envoyés dans les départements (1792-1794).. Il a aussi été chef de la section de la publication au service historique de la Gendarmerie nationale de 1999 à 2005, avant d’intégrer le service historique de la défense. Récemment, il a publié chez Perrin en 2018 un ouvrage assez complet sur le fonctionnement du tribunal révolutionnaire. Il revient ici chez Passés composés avec une biographie de Saint-Just.

Un personnage mythique

On a beaucoup dit sur Saint Just, du prototype du révolutionnaire pur et désintéressé au jouisseur sans limites et sanguinaire. Il a même été le protagoniste d’un essai de Greil Marcus, Lipstick Traces, qui faisait de lui un ancêtre idéologique (dans une logique situationniste… et hallucinée) de Johnny Rotten, le leader des Sex Pistols… En vérité, Saint-Just a vu le jour dans une famille bourgeoise et aisée de Picardie. Son père militaire a la bonne idée de décéder assez tôt. Le jeune Louis-Antoine Léon de Saint -Just (la particule est pour faire chic) est placé chez les oratoriens : au passage, il y a un livre à écrire sur cette confrérie religieuse qui a aussi formé Joseph Fouché.

L’apprentissage

On découvre dans ce livre d’Antoine Boulant que le futur « héros » apprend comme beaucoup les humanités ainsi que les philosophes : Mably, Rousseau particulièrement. On le voit ensuite fuguer à Paris après une déception amoureuse et être ramené dans le droit chemin par un noble, le chevalier d’Evry. Saint-Just, élève très doué, termine sa scolarité mais voici que la Révolution commence. Le jeune homme  est plein d’enthousiasme ! Il est cependant horrifié devant les outrances du peuple. Mais il s’investit dans la politique: s’il échoue à devenir député à la législative à cause de la limite d’âge, la convention lui ouvre ses portes… Le voici lancé.

Un jusqu’au boutiste 

A la lecture de cette biographie, on comprend que l’idéalisme est son moteur. Un idéalisme qui ne l’empêchera pas de protéger certains amis issus de sa région natale, tout de même. Saint Just, rempli d’espoir pour ce peuple qu’il idéalise, plaide et vote sans état d’âmes avec son mentor Robespierre pour la mort du roi, contre l’avis des Girondins. Ces mêmes girondins, malgré quelques scrupules, il sera leur pire ennemi et plaidera leur exécution. Envoyé aux armées, il se révèle très bon organisateur. Il veille aux subsistances, promeut les soldats méritants, protège même quelques nobles alors qu’il se révèle le pire ennemi des anciens privilégiés. A Paris, Saint-Just assume la Terreur. La mort de Danton ne l’émeut pas. Au début en tout cas car des doutes semblent l’assaillir à la veille de Thermidor. Et si tout cela allait trop loin ? Il taira ses scrupules et certains de ses désaccords avec Robespierre pour mourir avec lui.

Que retenir de cette figure très singulière ? Déjà que la jeunesse n’excuse pas tout. Ensuite que l’excès rhétorique de Saint-Just l’a amené à justifier le massacre d’innocents. Prototype du révolutionnaire, Saint-Just n’aimait pas, au fond, la vie réelle…

Sylvain Bonnet

Antoine Boulant, Saint-Just l’archange de la Révolution, Passés composés, janvier 2020, 350 pages, 22 eur

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