Gamelin, l’homme de la débâcle

Un spécialiste d’histoire militaire

Docteur en histoire et ancien membre du service historique des armées, Max Schiavon est devenu un spécialiste des élites militaires. Il s’est fait connaître du grand public en publiant des biographies des généraux Corap (Perrin, 2017) et Weygand (Tallandier, 2018). Il s’attaque ici à une figure décriée, celle du général Gamelin, le responsable de la défaite terrible et cinglante face à l’Allemagne nazie en mai-juin 1940.

Un officier très intelligent, un cursus honorum parfait…

Maurice Gamelin, fils d’officier, a tout pour réussir. Il fait l’école de Saint-Cyr où il impressionne ses professeurs par sa capacité à « bûcher ». Après un passage en Afrique du Nord, il fait l’école supérieure de la guerre où il impressionne par son intelligence. Puis il entre au service du général Joffre. Ce dernier le remarque et le garde auprès de lui au début de la guerre. Gamelin n’est pas un « planqué » et commande une brigade chasseurs alpins puis d’une division d’infanterie. Il remplit bien ses fonctions, est courageux au feu. Dans l’entre-deux guerres, il est membre d’une mission militaire envoyée au Brésil où il laisse un bon souvenir. Puis il est affecté au Liban. Gamelin se montre à chaque fois efficace. Le mauvais « casting » S’il n’a jamais démérité, Gamelin n’a pour autant jamais brillé. Il apparaît comme un brillant second. Dans les années 30, il se retrouve adjoint de Maxime Weygand, chef de l’état-major général.

Là apparaît un autre Gamelin si on suit cette biographie. Toujours très attentif à ses relations dans le monde politique, il ne cesse de ménager la chèvre et le chou. Surtout, il montre sa vraie personnalité : c’est un homme qui se plaît dans l’abstraction, le raisonnement, la spéculation mais il n’a pas le caractère d’un chef. Il déteste trancher, choisir, décider. Commander (Napoléon, où es-tu ?). Il succède en 1935 à Weygand et devient l’interlocuteur de tous les gouvernements. Méfiant envers les innovations, Gamelin ne réforme pas l’armée. Il s’attire aussi le mépris de ses subordonnés, le général Georges en premier. Le plus étonnant est que le personnel politique ne s’en offusque pas. C’est normal : Gamelin ne dérange personne. Pire : sa médiocrité au fond rassure.

La catastrophe du plan Dyle-Breda

On ne détaillera pas ses erreurs sur le plan des matériels ou de la logistique, ou encore de la tactique. La plus grande erreur de Gamelin est le plan Dyle-Breda qui consistait à envoyer les meilleures unités de l’armée française en Belgique ET en Hollande pour soutenir le choc de l’invasion nazie. Il se privait ainsi d’une réserve en cas de percée sur une autre partie du front. Or l’effort allemand en mai 1940 pesait non pas sur la Belgique mais dans les Ardennes face à l’armée de Corap, moins bien entraînée et moins bien dotée. Voilà l’origine du désastre. Cet intellectuel paria tout sur un coup de dés, négligeant les nombreux avertissements du SR et l’importance des chars, sans que personne n’y trouve à redire avant l’arrivée de Paul Reynaud (qui veut le remplacer mais hésite, hésite..). Max Schiavon a raison d’insister sur sa responsabilité, immense, dans le désastre. D’autant que Gamelin a toujours pensé, fort de ses capacités intellectuelles, qu’il aurait pu renverser la situation (comment ?).

Excellente biographie d’un homme qui n’aurait jamais dû être chef des armées.  

Sylvain Bonnet

Max Schiavon, Gamelin, Perrin, octobre 2021, 520 pages, 25 eur

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