Requiem pour Miranda, descente en enfer

Un auteur non conformiste

Sylvain Kermici est l’auteur d’Hors la nuit (Gallimard série noire, 2015), texte court et halluciné, OVNI difficile à classer au final dans un genre précis, très noir dans son inspiration. Difficile d’ailleurs de dire à la fin qu’on a aimé, tant on ressortit dérangé, secoué, voire pire. Requiem pour Miranda est son deuxième roman, publié aux Arènes où il a suivi Aurélien Masson, ancien directeur de la Série noire, pour sa nouvelle collection Equinox. Alors stop ou encore ?

Huis-clos d’horreur

Au début il y a une femme. Elle a été enlevée chez elle par deux individus. Ils ont tabassé son mari et ont enlevé son bébé. Ils la séquestrent. La forcent à se déshabiller. Désireuse de retrouver son enfant, s’accrochant à la vie, elle obéit.

 

On lui dit Ça suffit maintenant. Tu vas nous obéir. On lui dit Tu es à nous maintenant. Tu es une fonction. On lui dit Tu es une fonction. On lui Rassure-toi. Nous le sommes tous. On lui dit Crois-moi. Il n’y a rien d’autre, chez personne. Alors ferme-la. »

 

Ils sont deux, un barbu et un asiatique. L’asiatique est plus jeune que le barbu, plus excité aussi. Le barbu est le cerveau. Il a été marié. Il connaît les femmes. Il pense que l’apocalypse va arriver, il l’écrit en tout cas. Son but est de trouver des esclaves sexuelles, à n’importe quel prix. Et d’en disposer comme il l’entend.

 

Un roman jusqu’au boutiste

 

Sylvain Kermici repousse ses limites avec ce roman. Hors la nuit était une expérience déjà éprouvante mais Requiem pour Miranda dépasse son premier essai ! on saluera l’effort stylistique, la concision des phrases, le passage progressif de la narration de la victime aux deux tortionnaires. La brièveté du roman sert aussi son efficacité. Dans un combat de boxe, Kermici vise le KO dès le premier round et il y arrive. Ensuite que dire ? Le lecteur est partagé entre l’efficacité formelle et le dégoût profond, voire la gêne ressentie devant l’intrigue. Une intrigue au fond jusqu’esquissée, ce n’est pas un reproche : le but de l’auteur est de secouer, de faire réagir, de déranger. Pas de raconter une histoire complexe. Et pourtant il y a cette femme qui nous émeut, saisie un moment dans sa nudité avant que la violence ne s’abatte sur elle… Kermici ne manque pas de souffle, ni même de sensibilité (même s’il ne s’en doute peut-être pas) : peut-être devrait-il alors se remettre en question pour son prochain roman. Il y gagnerait.

Foncez, si vous avez le cœur accroché !

 

 

Sylvain Bonnet

Sylvain Kermici, Requiem pour Miranda, Les Arènes, « Equinox », septembre 2018, 170 pages, 9,90 euros

Laisser un commentaire