Turenne, le grand capitaine
Turenne fut, c’est évident, le grand stratège et tacticien du règne de Louis XIV et ce devant Condé lui-même. Après Jean Bérenger qui lui consacra une biographie remarquable, publiée en 1987 chez Fayard, c’est ici Arnaud Blin, auteur d’une biographie de Tamerlan (Perrin, 2007) et d’excellentes sur les batailles d’Iéna (Perrin, 2003) et Wagram (Tallandier, 2010), qui se charge ici de nous livrer une étude passionnante. À chaque génération son Turenne ?
Un prince et un soldat

Turenne est un cadet d’une grande famille aristocratique, les La Tour d’Auvergne, détenteur de la principauté de Sedan. C’est aussi un protestant, lié par sa mère à la famille Nassau. Or, cette famille engendre Maurice de Nassau qui révolutionne l’art de la guerre lors de la révolte des Pays-Bas protestants contre l’Espagne catholique. Maurice de Nassau met l’accent sur la formation des soldats, la puissance du feu, le mouvement et (dans une moindre mesure) l’ordre oblique. Turenne, un temps envoyé aux Pays-Bas, y apprend son métier, tout comme durant la guerre de trente ans. Son protestantisme ne l’empêche pas d’obtenir son régiment mais les révoltes menées par son frère aîné (pourtant converti au catholicisme) suscitent la suspicion de Louis XIII. Mazarin, lui, quoique cardinal, n’en a cure, et le soutient finalement assez rapidement. Et la réputation de Turenne grandit.
Le grand général
Turenne subit au début d’être dans l’ombre de Condé, dont la victoire de Rocroi face aux tercios sonne le début de la prépondérance française. Il participe aux débuts de la Fronde mais se rallie très vite à Louis XIV dont il devient le meilleur général. Turenne se paie même le luxe de battre son rival et ami Condé lors de la bataille des Dunes en 1658. Il surprend par sa rapidité et empêche les Espagnols de se regrouper. Turenne participe aux débuts du règne personnel de Louis XIV mais se montre peu doué pour l’intrigue. Notons qu’il finit par se convertir au catholicisme, ce qui enlève aux huguenots un protecteur potentiel. La guerre de Hollande lui fournit une occasion de briller stratégiquement face aux impériaux. Sa campagne d’Alsace, marquée par son génie du mouvement, de son sens du timing, lui vaut un siècle plus tard les louanges de Napoléon, son héritier un peu lointain. Son parcours mérite d’être revisité avec cette biographie réussie.
Sylvain Bonnet
Arnaud Blin, Turenne, génie militaire et mentor de Louis XIV, Tallandier, août 2025, 528 pages, 26,90 euros